Publié le 20 juillet 2021
ENVIRONNEMENT
Les ravages des inondations vont-ils faire passer l’Allemagne du frein à l’accélérateur sur le climat ?
Géant économique aux faibles élans climatiques, l’Allemagne appuie sur le frein du Green Deal européen. Côté politique, économique et financier, pas de voix forte pour mettre en place une transformation radicale et rapide de son industrie. L’énergéticien RWE est mis à l’index par les investisseurs engagés et la révolution Volkswagen est un phénomène isolé. Les plaies béantes laissées par les inondations vont probablement changer la donne politique, à quelques semaines de la fin du mandat d’Angela Merkel.

@ChristofStache-POOL AFP-dpa Picture-Alliance via AFP
La réalité a déferlé sur la campagne qui précède la succession d’Angela Merckel, dont le mandat à la tête de l’Allemagne se terminera le 26 septembre prochain. Submergé par des inondations violentes et meurtrières qui font écho aux terribles sécheresses de l’été 2019, le pays est sommé de se mettre d’urgence à un programme climatique à la hauteur des défis qui lui sont posés. Or jusque-là politiques, industriels et financiers sont plutôt debout sur le frein même s’ils mettent une pincée de développement durable dans leur économie et leur finance. La crédibilité de leurs engagements pour le climat sera passée au crible.
Armin Lashet, le dirigeant de la CDU, candidat à la succession de la chancelière, l’a appris à ses dépens. Élu de la Rhénanie, la région la plus touchée où près de 200 personnes ont péri, il a été pris en flagrant délit d’éclat de rire pendant un hommage aux victimes. Il a tenté de se rattraper en annonçant qu’il fallait "accélérer le rythme" dans la lutte contre le changement climatique. Ce à quoi ses détracteurs lui ont aussitôt opposé sa position anti-interdiction de la vente de voitures thermiques dès 2035. La proposition figure en bonne place de #Fit55, l’ambitieux programme environnemental dévoilé par la Commission le 14 juillet.
Sauver le Green Deal
S’il ne l’enthousiasme pas, ce plan a en revanche le soutien des Verts allemands. Les deux députés européens, Sven Giegold et Michael Bloss ont lancé par exemple au printemps une pétition pour "sauver le Green Deal". Elle a rassemblé près de 70 000 signatures ce qui ne suffit pas à changer la donne d’un modèle économique qui n’envoie guère de signaux montrant qu’il est prêt à se transformer. L’économie allemande est dominée par une énergie très charbonnée et une industrie qui représentent plus de 25 % du PIB, en particulier les secteurs automobiles, électroniques et chimiques qui tardent à se réformer.
Le Land frappé par les inondations, la Rhénanie du Nord-Westphalie, est avec le Bade Wurtemberg, ceux où se trouvent plus de la moitié des 1 600 usines allemandes considérées comme leaders du marché mondial. Vont-elles enfin prendre le virage de la transformation durable ? Car l’arbre Volkswagen qui, après la crise du DieselGate, a choisi d’aligner son modèle sur celui de Tesla, ne cache pas de forêt d’entreprises mettant le cap sur la transition. RWE, l’énergéticien allemand, est même classé dans les entreprises les plus controversées par de nombreux investisseurs engagés et AXA refuse désormais d’assurer ses opérations.
Poids industriel
Les intempéries ont mis à mal ses centrales. L’annonce des dégâts qui s’élèvent à plusieurs dizaines de millions a fait perdre à son action 3,5 %. Par ailleurs, le poids colossal de l’agrochimie avec BASF et Bayer, englué dans les procès Round Up, pesticide cancérigène ne plaide pas non plus en faveur de l’Allemagne même s’ils ont pris des engagements de neutralité carbone. Enfin côté finance ce n’est pas mieux. Si l’on n’en croit le Coal Policy Tool de l’ONG environnementale Reclaim Finance qui monitore les engagements climats des acteurs financiers, la quasi-totalité d’entre eux est dans le rouge car leurs engagements sur les énergies fossiles sont loin d’être alignés sur les objectifs de l’Accord de Paris.
Il y a bien un Code de développement durable, lancé en 2010, pour inciter les entreprises à reporter sur leurs enjeux ESG (Environnementaux, sociaux et de gouvernance) avec des guides sectoriels. Le pays a adopté une stratégie finance durable en 2019 et la Bourse de Francfort a lancé une initiative pour stimuler les acteurs financiers dès 2018. Mais, la crise du Covid-19 et la volonté d’attendre le déploiement de la stratégie européenne sur la finance durable, ont gelé le maigre bilan de ces initiatives. Les résultats des élections de septembre montreront jusqu’où la catastrophe de l’été aura, ou non, changer la donne sur la nécessité d’agir efficacement sur le changement climatique.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic