Publié le 23 mai 2023
ENVIRONNEMENT
Les assemblées générales de Shell et BNP Paribas chahutées pour cause de divergences climatiques
Les assemblées générales de Shell aujourd'hui 23 mai à Londres et de BNP Paribas la semaine dernière à Paris ont été le théâtre de manifestations bruyantes. Les activistes climatiques ont pris à partie les dirigeants de Shell pendant qu'au sein de celle de BNP Paris ce sont les petits actionnaires qui ont attaqué les défenseurs de l'environnement. Le climat est plus que jamais au cœur de ces rendez vous annuels entre actionnaires et entreprises en particulier pour les banques et le secteur pétrolier.

@Flickr
La saison des AG est mouvementée pour les banques comme pour le secteur pétrolier devenues les cibles principales de l'activisme climatique des ONG. Shell qui avait déplacé son siège à Londres pour échapper aux réglementations européennes a expérimenté l'hostilité britannique à son modèle d'exploitation des énergies fossiles. Les activistes présents ont semé la panique dans l'AG interrompant les dirigeants avant d'être évacués. Leur slogan : "Faites disparaître Shell", "Shut down Shell".
BREAKING
Shell AGM disrupted again by ordinary people condemning the oil giant for fueling climate breakdown.#ShutDownShell #ShellLies pic.twitter.com/Qob890JUZi— Extinction Rebellion UK (@XRebellionUK) May 23, 2023
En 2022 les AG de BNP Paribas et TotalEnergies avaient été particulièrement mouvementées, opposant activistes climatiques et petits actionnaires violemment hostiles. Salomé Saqué, journaliste et militante pour le climat en a même fait un livre "Sois jeune et tais-toi" qui vient de paraitre. Il commence avec l’insulte que lui avait adressée un actionnaire d’une soixantaine d’années "Connasse ! Crève et fais pas chier !". Cette scène filmée devant l’AG de Total 2022 avait fait le tour des réseaux sociaux, symbole du conflit de générations autour de la lutte contre le changement climatique, devenu un sport de combat dans les assemblées générales.
Huées dans la salle
Sans surprise, BNP Paribas, qui réunissait ses actionnaires le 16 mai dernier, a eu droit à plusieurs prises de paroles d’activistes climatiques. Les Scientifiques en rébellion se sont invités pour évoquer la nécessité d’arrêter les financements aux énergies fossiles afin de s’aligner sur les recommandations des rapports du GIEC. Ce ne sont pas les dirigeants de la banque qui ont tenté de les empêcher de parler mais plutôt les actionnaires dans la salle qui se sont mis à huer leurs interventions.
L'AG de #BNPParibas est en cours. Nous y sommes mobilisé·e·s avec @AffaireBNP mais aussi aux côtés des scientifiques @SciRebFr.
Notre demande est claire : la banque doit renoncer immédiatement à tout soutien, direct ou indirect, à l'expansion de toutes les énergies fossiles ! pic.twitter.com/fr6j9j8e9f— Oxfam France (@oxfamfrance) May 16, 2023
Même traitement pour Jeanne Martin qui s’exprimait elle au nom de Share Action, spécialiste de l’engagement actionnarial pour des investisseurs institutionnels. Le président de BNP Paribas a dû rappeler trois fois à l’ordre les petits actionnaires dans la salle pour qu’ils la laissent parler, ce qui a déclenché la réaction indignée des ONG présentes.
Pour Jeanne Martin, leur comportement est d’autant plus inacceptable qu’elle portait la voix de sept grands investisseurs détenant beaucoup plus d’actions de la banque que les centaines d’actionnaires déchaînés. Ils n’ont pas forcément rendu service à l’entreprise en verrouillant un débat qui n’a même pas pu s’amorcer. La salle a hué aussi les représentants des communautés venus d’Argentine et des Philippines pour parler des dégâts qu’entraine l’exploitation des énergies fossiles sur leurs terres, en lançant "Rentrez chez vous", en anglais et en espagnol.
Une "guéguerre" contre-productive
Cette "guéguerre" stérile entre petits actionnaires et activistes environnementaux est contreproductive. Elle empêche le bon déroulement de la démocratie actionnariale qui permet aux actionnaires, petits ou grands, d’interroger publiquement les entreprises sur des enjeux stratégiques.
La fièvre est encore montée d'un cran en 2023. Le regain de succès et d'attractivité que la guerre en Ukraine à amener aux énergies fossiles a eu deux conséquences radicaliser l'action des activistes climatiques désespérés de ne pas les voir disparaître et le recul d'une partie des actionnaires qui ont bénéficie des hausses spectaculaires des profits et des dividendes.
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic