Publié le 14 avril 2018
ENVIRONNEMENT
Le transport maritime, dernier secteur à s'engager (enfin) pour le climat
Réunis à Londres toute la semaine, les 173 États membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) se sont enfin accordés pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 % d'ici 2050, par rapport au niveau de 2008. Le transport maritime était le dernier secteur de l’économie mondiale à rester à l’écart de l’Accord de Paris sur le climat.

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Le dernier bastion dans la lutte contre la changement climatique vient de tomber. Les 173 États membres de l'OMI (Organisation maritime internationale), qui négociaient depuis le 9 avril à Londres, se sont enfin accordés sur un objectif chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre : -50 % d'ici 2050 par rapport à 2008. Et ils s'engagent à "poursuivre leurs efforts" pour décarboner complètement le secteur. Cette stratégie était inscrite au calendrier des Nations-Unies depuis deux ans et sera révisée en 2023.
"Cet accord constitue un compromis significatif et donne un signal politique clair et nécessaire pour que le secteur maritime commence à jouer pleinement son rôle dans l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris", ont réagi David Paul, ministre de l'Environnement des îles Marshall, et Christiana Figueres, ancienne secrétaire exécutive de la Ccnucc dans un communiqué commun. De son côté, l'ONG Transport & Environment estime qu'"une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre signifie que la plupart des nouveaux navires construits dans les années 2030 devront être zéro émission".
L'incertitude a demeuré jusqu'à la fin sur l'obtention d'un consensus, l'Arabie Saoudite et les États-Unis ayant tenté de "bloquer" les négociations, avant de finalement exprimer "des réserves" sur le texte. Jusqu'à présent, le transport maritime était le seul secteur économique sans objectif de réduction des émissions, depuis que le secteur de l’aviation civile s’est engagé en 2016. S'il ne représente aujourd'hui que 3 % émissions de GES mondiales, avec près de 90 % des marchandises transportées par la mer, son empreinte environnementale devrait passer à 17 % d'ici 2050 si rien n'est fait.
Les îles Marshall en première ligne
Dès l’ouverture des négociations, la délégation du Parlement européen à l’OMI appelait à l’adoption d’un "objectif de réduction des émissions de 70 % à 100 % d’ici 2050". Par ailleurs, 44 pays parmi lesquels la France, l’Australie ou encore la Nouvelle-Zélande, signataires de la déclaration de Tony de Brum, du nom de l’ambassadeur climat des îles Marshall décédé en 2017, visaient plus largement à décarboner le secteur en 2050, conformément à l’objectif inscrit dans l’Accord de Paris. Le petit État insulaire du Pacifique a joué un rôle majeur dans les discussions, alors qu’il représente l’un des premiers pavillons mondiaux par l’importance de sa flotte, mais qu’il sera aussi le premier impacté par le changement climatique.
"Je doute qu'il y ait beaucoup de pays qui aient un plus grand intérêt économique dans ce débat que le nôtre, étant donné l'importance du transport maritime dans notre PIB et notre dépendance presque totale à l'égard du secteur. Je parle donc avec une crédibilité considérable quand je dis que l'argument présenté par certains pays en développement qui craignent que l'action climatique ait un impact négatif sur la navigation et le commerce est complètement faux" a déclaré David Paul, en plénière.
400 000 décès prématurés par an
Selon une étude de l’ONG Transparency International publié en amont de cette semaine décisive, la majorité des navires commerciaux est enregistrée sous le pavillon de cinq pays : le Panama, le Libéria, les îles Marshall, Malte et les Bahamas. Des pays qui, à l’exception des Marshall, étaient tous opposés à l'adoption d'un objectif chiffré de réduction des émissions. Leur poids pèse de façon disproportionnée dans les débats puisqu’ils assurent à eux seuls 43 % du financement de l’OMI et se font représenter par des salariés du secteur privé.
"L’OMI a été chargée de contrôler et de réduire les émissions du transport maritime dans le cadre du Protocole de Kyoto, dès 1997. Pourtant, ce n’est qu’en 2016 que l'organisation s’est finalement accordée sur la mise en place d’une feuille de route en 2018, révisée en 2023. Son inaction s’explique par de nombreuses failles de gouvernance et par l’influence excessive des sociétés privées" dénonce Brice Böhmer, de Transparency International.
Pourtant, selon un récent rapport de l’OCDE, il serait techniquement possible de décarboner le secteur à l’horizon 2035 en utilisant biocarburants et énergies renouvelables, en améliorant l’efficacité énergétique des navires ou encore en réduisant la vitesse des bateaux. Diviser celle-ci par deux permettrait en effet de consommer 4 à 5 fois moins d’énergie. Rappelons que les émissions toxiques du transport maritime sont à l’origine de 400 000 décès prématurés chaque année dans le monde.
Concepcion Alvarez, @conce1