Publié le 21 novembre 2021

ENVIRONNEMENT

Un impôt sur la fortune climatique : l'idée fait son chemin avant les présidentielles

Des termes différents, ISF Climat, ISF climatique ou ISF grand pollueur, recouvrent une même idée : celle d'une taxe verte sur les ménages les plus fortunés. Un projet imaginé par Greenpeace, repris par de multiples candidats de gauche avant l'élection présidentielle. Mais est-ce vraiment la solution pour décarboner les investissements des plus riches ? 

Mesures fiscales cco 01
L'ISF climatique a vocation à faire contribuer davantage les plus grands pollueurs à la transition
iStock

"Nous conduirons une écologie du partage, un ISF climatique pèsera sur les ménages les plus aisés dont d'ailleurs le patrimoine émet le plus de carbone", a déclaré Anne Hidalgo, candidate du parti socialiste à la présidentielle. "Une bonne partie du patrimoine financier des personnes les plus riches contribue au dérèglement climatique, a de son côté avancé Yannick Jadot. Il faut intégrer l’empreinte carbone des plus riches dans cet ISF pour que ça soit un ISF de solidarité et de redistribution", défend ainsi le candidat d’Europe Ecologie les verts. Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France Insoumise, fait quant à lui figurer un "ISF grand pollueur" dans son programme. 

Si les candidats défendent des modalités d’application différentes, la philosophie de la proposition est commune et revient à Greenpeace. Dans un rapport d’octobre 2020, l’ONG a défendu cet impôt de solidarité sur la fortune intégrant l’empreinte carbone du patrimoine financier des ménages. L’objectif est de rétablir l’ISF qui, avant sa suppression en 2018, concernait les ménages disposant de plus de 1,3 million d’euros de patrimoine et d’y ajouter une dimension climatique. Autrement dit : le montant de cet ISF climatique dépend aussi de la nature du patrimoine. Le principe est de tenir compte des actifs qui composent la fortune (actions, obligations, assurance-vie, Livret A…) et de calculer leur quantité de CO2 émise.

Pour un partage plus juste de l’enjeux de décarbonation"

"L’objectif n’est pas de générer des recettes", souligne Clément Sénéchal, porte-parole climat de Greenpeace France. L’outil servirait surtout à inciter les ménages aisés à "décarboner" leurs investissements. Après la crise des gilets jaunes, la mesure répondrait à une attente sociale et serait fiscalement plus juste que de taxer la consommation. "Pour un partage plus juste de l’enjeux de décarbonation, de sobriété énergétique et de solidarité, il est nécessaire d'organiser une forme d’équité et d’acceptabilité sociale", explique Clément Sénéchal. L’association a calculé que le patrimoine financier moyen des 1% des ménages les plus fortunés émet 66 fois plus de gaz à effet de serre que celui des 10% des ménages aux plus faibles revenus. À l'inverse, "la fiscalité carbone, qui pèse uniquement sur l'acte d'achat, touche trois fois plus les ménages les plus modestes que les plus aisés", avance Clément Sénéchal.

Même si les contours de la mesure, telle qu’elle est défendue par les candidats aujourd'hui, sont encore trop imprécis, le postulat de base est contestable, rétorque Frédéric Douet, professeur à l'Université Rouen-Normandie, agrégé des Facultés de droit. "Vous pouvez être soumis à l’ISF sans pour autant être particulièrement polluant : 70% des personnes redevables de l’ISF disposaient d’un patrimoine compris entre 1,3 et 2,4 millions constitué pour l'essentiel de biens et de droits immobiliers, dont notamment leur résidence principale", explique le fiscaliste. "Et puis, le rétablissement de l’ISF pourrait inciter les plus fortunés à quitter le territoire", ajoute-t-il.

Quant à la mise en place du dispositif, "il paraît extrêmement compliqué", soutient le spécialiste, notamment parce que l'administration fiscale n'a pas accès à des informations précises sur la nature des actions détenues. Début novembre, l'Assemblée a d'ailleurs rejeté deux amendements au quatrième budget rectificatif déposés par la France insoumise et le Parti socialiste sur cette idée.

Mais le jeu en vaut la chandelle, défend Greenpeace prêt à accompagner les candidats qui défendent la mesure. "Dans une situation d’urgence climatique, ce n’est pas acceptable que les hauts revenus ne participent pas à l’effort. Il faut sortir des éco-geste volontaires et adopter une vraie politique climatique", lance ainsi Clément Sénéchal de Greenpeace.

Mathilde Golla @Mathgolla


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