Publié le 13 octobre 2020
ENVIRONNEMENT
[Infographie] Carbon free, carbon negative, net zero emission, neutralité carbone... La jungle des engagements climat
Ces derniers mois, les entreprises du monde entier ont multiplié les engagements de neutralité carbone. Mais derrière ce terme générique se cachent des ambitions très hétérogènes. En outre, certaines entreprises n'hésitent pas à inventer de nouveaux termes pour aller encore plus loin. Novethic défriche ces différentes voies.

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Nespresso, Facebook, Apple, Google… Les grandes entreprises ont multiplié les annonces ces derniers mois pour s’engager dans la neutralité carbone, objectif phare inscrit dans l’Accord de Paris. Selon une étude publiée par EcoAct en septembre (1), qui se concentre sur quatre indices boursiers (FTSE100, CAC40, Ibex35 et Dow30), plus d’une centaine d'entreprises visent désormais cette neutralité carbone, au plus tard en 2050.
"Au sein des indices boursiers analysés, l’année 2020 a vu une augmentation considérable du nombre d’entreprises s’engageant à atteindre la neutralité carbone ou l’objectif zéro émission nette", confirme EcoAct. Toutefois, "l’absence d’une définition universelle faisant autorité rend complexe l’évaluation de la véracité des ambitions, en particulier quand le terme n’est pas clairement défini par une organisation", ajoute le cabinet. De fait, les engagements, pourtant tous rassemblés sous la seule et même bannière de neutralité carbone, sont très hétérogènes et difficiles à comparer entre eux.
Un grand malentendu
"Il existe en effet un grand malentendu entre deux définitions de la neutralité carbone qui co-existent, précise César Dugast de Carbone 4, spécialiste du sujet. D'un côté, il y la notion de neutralité carbone des entreprises, qui a émergé il y a une quinzaine d'années dans la foulée du protocole de Kyoto, et qui repose essentiellement sur la compensation carbone. De l'autre, il y a la neutralité carbone au sens de la science, qui est l'équilibre entre les émissions et les absorptions de CO2 à l'échelle mondiale, et qui est d'une ambition radicale. Les deux ne coïncident pas et c'est très dommageable : une entreprise qui se dit 'neutre' aujourd'hui n'est pas forcément alignée avec l'ambition de l'Accord de Paris".
Une entreprise comme Easyjet par exemple promet des vols neutres en carbone, entièrement compensés par l'achat de crédits qui permettent d'investir dans des projets tels que la plantation d’arbres ou la protection contre la déforestation et les énergies renouvelables. La compagnie britannique reconnaît que ce n'est pas "une solution idéale" mais "temporaire" en attendant que des avions hybrides et électriques ne voient le jour. D'un autre côté, des entreprises comme Facebook et Apple s'engagent à être neutres en carbone dès 2030, tout en réduisant leurs émissions de 75 % à cette échéance, et en compensant uniquement le reste.
Carbon free, carbon negative
À cette ambiguïté liée à la neutralité carbone, viennent s’ajouter de nouveaux termes inventés par les entreprises. Mi-septembre, Sundar Pichai, le PDG de Google, a ainsi engagé son entreprise à devenir "carbon free". Le géant de l’Internet envisage de ne plus du tout émettre de CO2 d’ici 2030, ce qui va encore au-delà du net zero emissions. "Chaque e-mail que vous enverrez, chaque question que vous poserez dans la recherche Google, chaque vidéo YouTube et chaque itinéraire que vous emprunterez à l'aide de Google Maps, sera alimenté par une énergie propre", assure-t-il.
De son côté, Microsoft souhaite devenir "carbon negative" et ainsi éliminer plus de carbone que n’en émet l’entreprise d'ici 2030. Pour cela, l'entreprise entend miser sur les Technologies d’émissions négatives (TEN) telles que l’afforestation (planter des arbres là où il n'y en avait pas), le reboisement (replanter des forêts), la séquestration de carbone dans le sol, la bioénergie associée au captage et stockage du carbone et la capture atmosphérique directe.
Autre point de vigilance à suivre quand on parle de neutralité carbone : le scope 3, qui inclut toutes les émissions liées à l’utilisation des produits eux-mêmes. "Un nombre globalement insuffisant d'entreprises (38 %, le CAC40 tirant vers le haut les résultats avec ses 65 %) incluent ces émissions dans leurs objectifs de réduction", commente EcoAct. Les entreprises françaises sortent du lot, car elles définissent majoritairement plus souvent une stratégie claire, précise le cabinet.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Voir l'étude d'EcoAct sur les performances en matière de reporting climat des entreprises
* Sopra steria a annoncé sa neutralité carbone en 2028