Publié le 23 juin 2022
ENVIRONNEMENT
En trois jours, un quart des députés formés au climat et à la biodiversité : reportage au cœur de cet évènement inédit en France
C'est l'heure du bilan. En trois jours, 154 députés ont été formés à la transition écologique, soit plus d'un quart de l'hémicycle à l'heure de la prise de poste des parlementaires. Questions des députés, réflexions des scientifiques... Novethic vous raconte les coulisses de cette démarche inédite en France qui constitue une première étape vers une formation plus soutenue des élus.

@Novethic
Mercredi 22 juin 10 heures. Sous le chapiteau de la formation "Mandat Climat Biodiversité", à seulement 500 mètres de l'Assemblée Nationale, quelques députés sont déjà au rendez-vous. Ils viennent rencontrer des scientifiques de renom, rédacteurs du GIEC et de l'IPBES, économistes, spécialistes de l'environnement... Ces derniers vont offrir une formation express d'une trentaine de minutes aux nouveaux députés, quelques jours seulement après leur élection. L'objectif affirmé par l'ex-député Matthieu Orphelin et le climatologue Christophe Cassou, duo à l'origine de l'idée, est de les équiper d'une "formation de premier secours".
1/8 Mercredi 22 juin, 10h, il y a déjà du monde. Normal, c’est le dernier jour pour rencontrer des scientifiques rédacteurs du GIEC et de l’IPBES, des économistes et d’autres spécialistes de l’#environnement à 500 mètres de l'assemblée. pic.twitter.com/5xJIAlcRP3
— Fanny Breuneval (@breuneval_fanny) June 23, 2022
Le député Eric Martineau, arboriculeur élu dans la Sarthe sous la couleur Ensemble !, s'avance sous le barnum et pioche quelques feuilles parmi une documentation de choix : échéances législatives, résumé du rapport du GIEC, axes de travail du Réseau Action Climat... "Je ne peux pas prétendre tout connaître. Il faut écouter, se servir du vécu de chacun", affirme le parlementaire qui se dit déjà convaincu de l'importance des enjeux.
"Répondre aux questions de la société"
L'événement est transpartisan. Pourtant, un clivage subsiste. Seulement un député LR et un député RN sont venus, contre 80 députés Ensemble ! et 70 députés Nupes, Nouvelle union populaire écologique et social. Un déséquilibre regretté par les chercheurs. "Nous ne sommes pas militants, le rôle de la science est de répondre aux questions de la société," rappelle Denis Couvet, président de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité qui dit apprécier la "proximité" de cette formation. "Nous sortons du jargon, une relation de confiance s'installe." L'océanographe et chercheur au CNRS Jean-Baptiste Salé abonde sur la nécessiter d'activer les dialogues. "Il ne s'agit pas de se substituer au Haut Conseil pour le Climat, mais de permettre des raccourcis."
Les échanges vont bon train autour des tables et même sous les arbres en extérieur. Les conclusions du GIEC et de l'IPBES, son équivalent sur le sujet de la biodiversité, servent de référence commune, mais la formation n'a pas vocation à être strictement cadrée. Il s'agit d'une discussion en petits groupes de députés avec un binôme de chercheurs de différentes disciplines, pendant une trentaine de minutes.
Se confronter à la réalité du terrain
"Les députés communiquent leurs difficultés à décliner les échanges au niveau du territoire," relève le président de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité. Se confronter à la réalité de terrain est le principal défi des députés. Les chercheurs ne peuvent apporter de réponse, mais rappellent l'existence d'instances locales qui réunissent chercheurs et acteurs politiques pour trouver des solutions, comme Acclimaterra en Nouvelle-Aquitaine. Le député de la Sarthe apprécie aussi d'avoir discuté d'éléments opérationnels, comme le calcul de l'impact environnemental par lignes budgétaires. Des échanges qui poussent la recherche à adopter un regard transdisciplinaire, avec la nécessité de la pédagogie en tête.
Cette formation express a planté des graines. L'ex-député Mathieu Orphelin souhaite également proposer des formations aux sénateurs. Le format idéal selon lui serait une session de 20h, comme le préconise l'ingénieur et fondateur associé de Carbone 4 Jean-Marc Jancovici. "Nous avons besoin de formations pour avoir une compréhension systémique et prendre des décisions au regard des limites planétaires," note Alexandre Florentin, conseiller de Paris et directeur de la Carbone 4 Académie, qui souhaite lui aussi proposer une formation aux 163 personnes siégeant au conseil de Paris.
Fanny Breuneval