Publié le 17 mai 2022

ENVIRONNEMENT

Polytechnique, AgroParisTech, ENS… Quand les futures élites claquent la porte

Après la vidéo virale des "ingénieurs qui bifurquent" d'AgroParisTech appelant leurs camarades à "déserter", c'est au tour des Écoles normales supérieures de se mobiliser pour que "la pratique scientifique" s'aligne sur "les enjeux impérieux de ce siècle", à savoir l'urgence écologique et sociale. Cette lame de fond déferle sur la plupart des grandes écoles. "Les futures élites intellectuelles disent stop", commente un normalien. 

Tudiants grandes ecoles pollution 02
Dans plusieurs grandes écoles, des collectifs d'étudiants bousculent leurs formations.
CC0

"Que restera-t-il du vivant à étudier si nous n’avons rien fait pour l’empêcher de s’effondrer ? Pourra-t-on encore monter de grands projets scientifiques internationaux dans un monde où les conflits climatiques et technologiques proliféreront ?" Ces questions, ce sont les étudiants des Écoles normales supérieurs qui se les posent dans une tribune publiée dans Le Monde le 11 mai dernier. Au début du mois, ils se sont formés en collectif baptisé Effisciences. Leur objectif est clair : développer une recherche "impliquée" qui réponde aux grands enjeux environnementaux et sociaux actuels.

"La communauté mathématique peut mettre à profit sa connaissance des systèmes complexes pour améliorer les modèles avec lesquels les climatologues anticipent l’ampleur des sécheresses à venir, ce qui sert ensuite aux agronomes pour mettre au point des variétés résistantes. De même, des géographes et sociologues peuvent se saisir de ces travaux pour identifier à l’avance les populations vulnérables et des politiques d’adaptation efficaces. La recherche impliquée est suffisamment riche pour que toutes les disciplines puissent y participer et que la recherche fondamentale y trouve une place essentielle", écrivent-ils. 

"Les futures élites intellectuelles disent stop"

"Les futures élites intellectuelles disent stop", croit Hugo Mosneron Dupin, étudiant à l’ENS ULM à Paris et signataire de la tribune. "Il ne s’agit pas de "politiser" la science, mais de remettre les enjeux actuels au cœur de la recherche", avance cet activiste écologiste du collectif Ibiza. Et cet appel n’est pas isolé. Un vent de révolte souffle sur les grandes écoles et les déclarations publiques se multiplient à l’instar de celle d’AgroParisTech qui a créé un véritable buzz. Dans une vidéo rendue publique le 11 mai, au matin de la publication de la tribune de l’ENS, huit ingénieurs agronomes fraîchement diplômés ont appelé leurs camarades de promotion à "déserter". 

"Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d'être fiers et méritants d'obtenir ce diplôme à l'issue d'une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours", ont-ils déclaré. "Nous ne nous considérons pas comme les talents d’une planète soutenable". La vidéo qui enregistre près de 800 000 vues a généré un véritable engouement sur les réseaux sociaux. "Dans toutes les grandes écoles et universités, il y a quelque chose qui est en train de se passer", estime sur Twitter le climatologue et membre du Giec François Gemenne. C’est le signe d’une "transformation sociale profonde et bienvenue" pour le chercheur au CNRS Pierre Charbonnier.

"Déserter est lâche"

Avant AgroParisTech, d’autres jeunes diplômés avaient pris la parole dans des discours cinglants. En 2018, Clément Choisne, fraîchement diplômé de la Centrale de Nantes disait ne pas se "reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur en rouage essentiel à un système capitaliste de surconsommation". L’impulsion a été donnée par le collectif "Pour un Réveil écologique". Cette année là, plusieurs étudiants de grandes écoles comme Polytechnique ou HEC publient un appel signé par plus de 30 000 étudiants issus de 400 établissements. Leur mouvement, qui met à la fois la pression sur les écoles pour qu’elles intègrent les enjeux sociaux et environnementaux à leur cursus mais également sur les entreprises qui pourraient perdre des talents par manque d’engagement, va structurer la mobilisation de ces étudiants. 

Mais tous ne  portent pas le même message. Certains entendent changer les écoles et les entreprises de l’intérieur quand d’autres appellent à les quitter. Le choix fait polémique. "Déserter est lâche", tacle l’Opinion. "Si le système doit être changé, faut-il entrer dans les organisations existantes pour les modifier de l'intérieur, ou "déserter", c'est à dire s'y opposer de l'extérieur ? La bonne réponse emprunte probablement aux deux", nuance sur Linkedin l'ingénieur Jean-Marc Jancovici. 

Marina Fabre Soundron @fabre_marina


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

Planification ecologique Macron

La planification écologique selon Emmanuel Macron

La planification écologique française, retardée à plusieurs reprises, attendait son lancement officiel. C'est désormais chose faite. Emmanuel Macron a défini les objectifs et le calendrier à tenir, secteur par secteur pour mettre la France sur le chemin de la transition écologique, et décliné sa...

AGNU 78 Antonio Guterres ONU UN Photo Cia Pak

[Infographie] Sommet sur l’ambition climatique : découvrez les pays qui contribuent le plus au changement climatique

Nouveau rendez-vous dans l'agenda climatique de cette rentrée. Antonio Guterres reçoit ce mercredi 20 septembre les pays les plus mobilisés pour son Sommet de l'ambition climatique. Ils seront une trentaine environ, avec des absences particulièrement remarquées comme celle de la Chine et des...

Vendanges canicule CC0

Décès de six vendangeurs pendant la canicule : "le code du travail doit s'adapter au changement climatique"

Des vendanges au goût amer. Entre le 5 et le 8 septembre, six décès d'ouvriers agricoles ont été constatés dans les vignobles de Champagne et du Rhône. Tous sont morts de malaises cardiaques alors que le pays subissait une canicule tardive inédite. De quoi remettre sur la table la question de...

Libye inondation afp

Libye, Grèce, Turquie... après des incendies monstres, le pourtour méditerranéen en proie à une tempête meurtrière

Après les incendies de l'été, le pourtour méditerranéen fait face à un nouveau drame climatique. La tempête Daniel a inondé la Grèce, la Turquie, la Bulgarie et la Libye. Dans ce pays, le dernier bilan fait état d'au moins 2 300 morts dues aux conséquences des coulées de boues et des quartiers...