Publié le 12 mars 2019

ENVIRONNEMENT

Quand les étudiants des grandes écoles sélectionnent leurs employeurs en fonction de leur politique climatique

Ils ne veulent pas d'un bon salaire, ils veulent un avenir. Les étudiants sont de plus en plus nombreux à se mobiliser pour le climat et à maintenir la pression sur les entreprises pour qu'elles revoient leurs pratiques. C'était le but du Manifeste pour un réveil écologique signé par plus de 30 000 étudiants de grandes écoles. D'autres mouvements, plus large, visent notamment les acteurs privés. C'est le cas de la Bascule, un lobby citoyen lancé par Maxime de Rostolan et des étudiants.

Avoir de forts engagements environnementaux et sociétaux est facteur d'attractivité et de fidélisation pour les entreprises.
Istock / Thea Design

Les étudiants maintiennent la pression. Ils sont plus de 30 000, inscrits dans des grandes écoles, de Polytechnique à l’École normale supérieure en passant par HEC, à avoir signé un Manifeste pour un réveil écologique lancé en octobre. L’objectif est de responsabiliser au maximum les entreprises en les questionnant sur leurs objectifs environnementaux. Certains sont même prêts à boycotter leur futur employeur s’ils ne sont pas assez vertueux.

"Je pourrais refuser un poste si les engagements de l’entreprise vont à l’encontre de mes convictions", témoigne Thomas, polytechnicien, "mais dans les grandes écoles on a la chance d’avoir le choix, ce n’est pas le cas de tout le monde. C’est pour ça qu’il est important de challenger les entreprises pour qu’elles soient plus vertueuses"

Répondre à l'urgence climatique, un "facteur d'attractivité et de fidélisation"

Depuis janvier, les fondateurs du Manifeste pour un réveil écologique ont ainsi rencontré plusieurs entreprises de la grande distribution, de l’énergie, de l’industrie… Pour l’instant, le premier round de réunion s’est réalisé avec les directeurs développement durable ou RSE (responsabilité sociétale des entreprises). "Ce Manifeste marque une très forte prise de conscience chez les jeunes et on remarque de plus en plus chez nos nouvelles recrues. C’est un signal qui doit nous interpeller et qu’on doit prendre en compte", réagit Nathalie Devulder, directrice RSE du Réseau de transport d’électricité (RTE), qui a rencontré les fondateurs du mouvement.

"Les engagements sociétaux et écologiques de RTE sont de plus en plus des facteurs d’attractivité et de fidélisation", rapporte-t-elle. "Ce qui est important pour ces jeunes c’est de donner du sens à leur emploi. La préservation de la planète est dans l’ADN de RTE. Bien que nous n'ayons pas attendu ce Manifeste pour agir, il est important de rester humble et d'être remis en question par les parties prenantes ou les jeunes parce qu'il y a encore beaucoup à faire." 

Mettre la pression sur les entreprises 

L’enjeu pour les étudiants est de comprendre ce qui pourrait freiner les ambitions environnementales ou sociales des entreprises. "En échangeant avec elles, on veut construire un vrai dialogue", atteste Corentin Bisot, cofondateur du Manifeste pour un réveil écologique. "Cela va nous permettre d’être plus précis dans notre cahier de doléances avant de rencontrer les conseils d’administration et les PDG d’entreprises", explique-t-il.

La mobilisation pour le climat vise surtout l’État aujourd'hui, constatent ces étudiants. On le voit avec la pétition l'Affaire du siècle et le recours porté par les ONG. "Il y a peu de pression sur les entreprises alors qu’elles peuvent aussi changer la donne", regrette Thomas. Plusieurs signataires du Manifeste pour un réveil écologique et d’étudiants d’universités ont également rejoint La Bascule. Ce nouveau mouvement qui vient d’être créé par Maxime de Rostolan, fondateur des Fermes d’Avenir, veut "unir les forces".

Du travail qui a du sens, ou rien

Principalement composé d’étudiants mais ouvert à tous, il veut placer la transition écologique et solidaire au cœur de la politique. D’ici la fin de l’été, le mouvement émettra entre 50 et 100 propositions. Il propose également des groupes de travail dont l’un sera dédié aux nouveaux modèles d’entreprise. "L’idée est de travailler sur l’entreprise de demain", raconte Emma. Cette étudiante de Centrales Nantes est actuellement à Pontivy, en Bretagne, elle aide à retaper une ancienne polyclinique qui servira de QG à ce lobby citoyen.

"On est dans une logique de construction avec les différents acteurs. Mais personnellement, je n’ai pas envie d’aller travailler dans une entreprise qui ferme les yeux sur l’urgence climatique", assume-t-elle. Certains étudiants du mouvement ont décidé de boycotter leur stage de fin d'étude, Emma a choisi de le réaliser à la Bascule.

Marina Fabre @fabre_marina


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