Publié le 11 mai 2022

ENVIRONNEMENT

Des étudiants d’AgroParisTech appellent à "déserter" l’agro-industrie en pleine remise de diplôme

"Nous ne nous considérons pas comme les talents d’une planète soutenable". Lors de leur cérémonie de remise des diplômes, des étudiants d'AgroParisTech ont appelé leurs camarades à "bifurquer", dénonçant une "formation qui pousse à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours". Un discours poignant qui s'inscrit dans un mouvement de fond chez les étudiants, refusant de travailler dans des entreprises carbo-intensives ou d'étudier dans des écoles trop peu concernées par ces questions. La vidéo a déjà enregistré plus de 100 000 vues en moins de 24 heures. 

Discours agroparistech Lucien Gillet
Huit ingénieurs agronomes fraîchement diplômés ont appelé leurs camarades à "bifurquer" lors de la remise de diplôme.
Lucien Gillet

Ils se sont baptisés les "ingénieurs qui bifurquent" et ont créé la surprise le 30 avril lors d’une cérémonie de remise de diplômes de l’école AgroParisTech, fleuron de l'enseignement agricole en France. Dans une vidéo rendue publique le 11 mai, huit ingénieurs agronomes fraîchement diplômés ont appelé leurs camarades de promotion à "déserter". "Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d'être fiers et méritants d'obtenir ce diplôme à l'issue d'une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours", ont-ils déclaré à la tribune. "Nous ne nous considérons pas comme les talents d’une planète soutenable"

Pendant sept minutes, les ingénieurs, à tour de rôle, ont dénoncé les principaux débouchés de leur formation, épinglant des "jobs destructeurs" qui "nuisent en servant les intérêts de quelques-uns", citant ainsi le "trafic en labo des plantes pour des multinationales" ou le développement "des énergies dites vertes qui permettent d’accélérer la numérisation de la société tout en polluant et en exploitant à l’autre bout du monde". "Les membres du collectif ont témoigné de leur refus de la voie toute tracée d’ingénieur qu’on leur a toujours fait miroiter au sein de leur école, et leur désir et leur choix de rejoindre des luttes écologiques -et paysannes, de s'installer en collectif agricole ou encore d’habiter à Notre-Dame-des-Landes", écrit le collectif dans un communiqué. 

Une tendance de fond

Ce n’est pas la première fois que les étudiants d’AgroParisTech se mobilisent. Déjà en mars dernier, ils avaient bloqué leur campus, situé sur le domaine de Grignon dans les Yvelines alors que l’État souhaitait vendre ce lieu historique. Et la fronde a payé. L’État a suspendu la vente au promoteur immobilier Altarea Cogedim pour "tenir compte du temps de concertation nécessaire". Les étudiants dénonçaient une "bétonisation" de leur campus qui mettait "en péril un écosystème et une biodiversité unique". Cette mobilisation, et ce discours incisif lors de la remise des diplômes, marquent une véritable tendance chez les étudiants aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui refusent désormais de travailler dans des entreprises carbo-intensives ou de suivre des cursus qui n’intègrent pas les enjeux écologiques. 

"Les applaudissements qui accompagnent ce discours reflètent le cri d’une jeunesse qui rejette ce système. C’est ce même discours que nous portons (…)", écrit le collectif Pour un réveil écologique. En 2018, des dizaines de milliers d'étudiants de Polytechnique, HEC, l’ENS… ont en effet signé l’appel de ce collectif marquant une étape dans la mobilisation de la jeunesse. Désormais un acteur incontournable de la lutte environnementale, le collectif met la pression à la fois sur les grandes écoles mais aussi sur les entreprises qui n'ont pas mis en place de politique à la hauteur des enjeux environnementaux et sociaux. 

"Je pourrai refuser un poste si les engagements de l’entreprise vont à l’encontre de mes convictions", témoignait Thomas, polytechnicien, sur Novethic en 2019 "mais dans les grandes écoles on a la chance d’avoir le choix, ce n’est pas le cas de tout le monde. C’est pour ça qu’il est important de challenger les entreprises pour qu’elles soient plus vertueuses". Craignant de perdre des viviers de talents, certaines grandes entreprises ont répondu à l’appel comme RTE par exemple qui avait reçu le collectif. "C’est un signal qui doit nous interpeller et qu’on doit prendre en compte", réagissait Nathalie Devulder, directrice RSE du Réseau de transport d’électricité (RTE). En attendant, l’appel des ingénieurs agronomes à "bifurquer" enregistre déjà plus de 100 000 vues, quelques heures seulement après sa publication. "Ça fait du bien de dire les choses comme on les pense vraiment", a réagi Lola Keraron, une des membres du collectif. 

 

Marina Fabre Soundron @fabre_marina 


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