Les citoyens européens ont voté à plus de 50 % et montré qu’ils avaient des messages à envoyer à cette Europe qui les intéressent. Ils ont ainsi surpris tous les sondeurs qui ont alimenté la chronique médiatique jusqu’à vendredi soir sur l’abstention massive qui allait battre tous les records. Autre enseignement de cette élection, ils n’ont pas acheté les scénarios pré mâchés qui leur étaient proposés, ceux qui donnaient une lecture nationale à des élections qui ne le sont pas.
Les Européens ont, en grande partie, envoyé au Parlement européen des acteurs qui bousculent l’héritage historique de partis de gouvernements impuissants à changer la donne. Ce que résume Laura Ullmann, porte-parole de Greenpeace UE : "Le temps du changement est venu. Les Européens se préoccupent de l’avenir de leur démocratie et des menaces environnementales qui pèsent sur nous. Dans beaucoup de pays, les partis politiques qui ont promis de répondre à la crise climatique et écologique ont gagné de nouveaux sièges. Des millions de citoyens, jeunes et vieux, ont défilé dans les rues pour demande une Europe socialement juste qui lutte le changement climatique. L’Union Européenne doit donc agir maintenant. Il n’y a pas de temps à perdre".
Nouvelles fractures politiques
La poussée des Verts, devenu le quatrième parti du Parlement avec 69 sièges, est un phénomène marquant. Leur slogan de campagne "Votez pour le climat" a été efficace même s’il a été mieux entendu en Europe du Nord. Les Verts sont en seconde position avec plus de 20 % des voix en Allemagne, et plus de 15 % en Finlande ou en Irlande. En France, ils se classent troisième avec 13 % des voix, alors qu’on leur en donnait moins de 10 %. Le décalage avec l’Europe du Sud est patent et plus particulièrement avec l’Italie et la Grèce où le vote écologiste n’existe pas. En revanche, en Espagne le parti socialiste qui porte un Green New Deal a nettement remporté le scrutin avec plus de 32 % des voix et, au Portugal, l’alliance écologiste et communiste est arrivée en quatrième position avec plus de 10 % des voix.
Ce vote surprise est aussi un vote sanction pour une grande partie des médias impuissants à couvrir les nouvelles fractures politiques. Ils organisent des débats où les échanges de noms d’oiseaux remplacent les débats de fond et des soirées politiques oiseuses où chaque participant s’efforce d’expliquer qu’il a gagné à coups de petites phrases. Or les attentes sont d’une autre nature. Un exemple : le Pacte finance climat, porté en particulier par Pierre Larouturrou, en cinquième position sur la liste emmenée par Raphaël Glucksmann qui a, elle aussi, obtenu un meilleur score que prévu fait son chemin. Il a d’ores et déjà un soutien belge important et s’inscrit dans la stratégie européenne de promotion de la finance durable comme axe stratégique majeur de sa politique.
Rendre compte de cette accélération du changement de préoccupations devrait être la première mission de médias. Obnubilés ces derniers mois par le fluo des gilets jaunes, ils n’ont pas vu la marée verte. C’était flagrant le 16 mars dernier à Paris où toutes les caméras ont filmé le Fouquet’s qui brûlait et négligé les 100 000 personnes de tous âges et de tous horizons qui défilaient dans le calme à quelques rues de là pour alerter sur l’urgence climatique. Espérons que le vote européen les conduira à remettre en cause leur prêt à penser !
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic
Publié le 27 mai 2019
Le vote écologiste a surpris plus d’un sondeur et d’un analyste. C’est un signal de plus du décalage entre le couple traditionnel média/politiques et l’opinion publique. Comme des canards sans tête, les premiers continuent à courir après les résultats d’élections bâtis à coup de prédictions autoréalisatrices alimentées par des sondages. Mais les lignes bougent, les clivages précédents s’estompent et l’écologie est devenue une préoccupation majeure sans qu’ils s’en aperçoivent vraiment.
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