Publié le 17 décembre 2018
ENVIRONNEMENT
COP24 : l'Accord de Paris a enfin un mode d’emploi, mais ses ambitions restent insuffisantes
Lors de la COP24 en Pologne, la communauté internationale a doté l'Accord de Paris d’un mode d’emploi qui le met réellement en application. Si les experts se réjouissent de cette avancée qui ancre l’Accord dans la réalité des États, ils regrettent que ces derniers n’aient pas revu à la hausse leurs ambitions climatiques.

@JanekSkarzynski/AFP
Alertés par les scientifiques du Giec sur les dangers d’un monde à +1,5°C et confrontés à un contexte géopolitique peu propice, les États, réunis à l’occasion de la COP24 à Katowice en Pologne, sont parvenus à mettre en place un ensemble de règles qui permettront d'appliquer l'Accord de Paris. Signé en 2015 en France, il vise à limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5°C, en 2100.
Préparées pendant trois ans, ces négociations tendues ont donné naissance à un "mode d'emploi" d'une centaine de pages qui établit les modalités de suivi des actions nationales. Ce texte très technique impose une transparence de chaque état signataire pour mesurer la réalité de leurs engagements de réduction d’émissions de CO2. Une flexibilité a été accordée aux pays en voie de développement.
Ce manuel d'utilisation "est suffisamment clair pour rendre opérationnel l'Accord de Paris ", a commenté la ministre espagnole de l'Environnement Teresa Ribera. "L’adoption in extremis des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris permet au processus international de continuer, malgré les difficultés et les tentatives de certains pays de ralentir au maximum les progrès", juge Matthieu Orphelin, député LREM engagé sur le climat.
Des vents contraires
"Malgré les vents contraires, l'Accord de Paris a tenu le cap lors de cette COP24, démontrant une nouvelle fois sa résilience. Les décisions prises ici pour la mise en œuvre de l’accord nous donnent une base solide pour continuer à renforcer la confiance dans le multilatéralisme et accélérer la transition dans le monde entier", se réjouit Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat.
De son côté, Christiana Figueres, ex-secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur le climat et architecte de l’Accord de 2015, nuance ce succès : "Personne n’est totalement satisfait de ce livre de règles, mais c’est une étape importante. Les fondements des règles sont toujours l'Accord de Paris, qui reste aussi fort que jamais". Elle appelle à enregistrer de nouvelles ambitions lors de la COP25 qui aura lieu au Chili en partenariat avec le Costa Rica, en 2019. Ces deux pays pallient le retrait Brésilien de cette organisation.
Les ONG distillent le même message. Les États "ont fait des progrès, mais ce que nous avons vu en Pologne c'est un manque fondamental de compréhension de la crise actuelle", estime de son côté Manuel Pulgar-Vidal, du WWF. "Ce manque de réponse au rapport du Giec, c'est choquant", ajoute Jennifer Morgan, de Greenpeace. "Vous ne pouvez pas vous réunir après ça, et dire que vous ne pouvez pas faire plus !", lance-t-elle.
"Vous nous volez notre futur"
L’un des épisodes les plus tendus de cette COP a justement été la passe d'arme sur la reconnaissance ou non des conclusions du Giec, sur les conséquences d’un monde à +1,5°C. États-Unis, Arabie Saoudite et Russie refusant la mention "accueille favorablement" dans la décision finale au sujet de ce rapport des experts de l’ONU. Les États-Unis ont vivement défendu leurs positions traditionnelles, assurant que les pays en voie de développement doivent être aussi contraints que les pays industrialisés.
Reste également en suspens l’éternel problème du Fonds vert. Les pays du Nord ont promis de passer leur aide climat à 100 milliards de dollars par an d'ici 2020. Quelques pays comme l'Allemagne et la France ont annoncé de nouvelles contributions et la Banque mondiale a promis 200 milliards de dollars. "Mais il est clair qu'il faudra aller au-delà et faire davantage d'annonces concrètes pour convaincre les pays en développement qu'ils seront soutenus dans leurs transition bas carbone", souligne David Levaï, de l'Institut des relations internationales (Iddri).
L’un des épisodes les plus marquants fut la venue à la tribune de la jeune activiste du climat Greta Thunberg. Cette suédoise de 15 ans est venue mettre en accusation ses aînés. "Vous ne parlez que d’une croissance économique verte éternelle car vous avez trop peur d’être impopulaire (…) Vous n’êtes pas assez mature pour dire la vérité sur ce fardeau que vous laissez à vos enfants (…) Vous dites que vous aimez vos enfants plus que tout et pourtant vous volez leur futur", a-t-elle lancé devant la plénière.
Ludovic Dupin avec AFP