Publié le 11 mai 2023

ENVIRONNEMENT

Inaction climatique : L'État contraint de prendre de nouvelles mesures dans l'affaire Grande-Synthe

Nouveau round dans le premier procès climatique français. Le Conseil d’État, saisi par la ville de Grande-Synthe et plusieurs associations, estime que rien ne permet de garantir que le gouvernement tiendra sa trajectoire climatique. La plus haute instance administrative lui ordonne une nouvelle fois de prendre de nouvelles mesures d'ici juin 2024. 

IStock @UlyssePixel Conseil d'Etat
Conseil d’Etat ordonne au gouvernement de prendre de nouvelles mesures climatiques d’ici le 30 juin 2024.
iStock

C’est un nouvel ultimatum envoyé par le Conseil d’État au gouvernement. Saisie par la commune de Grande-Synthe (Nord), la ville de Paris et les associations de l’Affaire du Siècle, la plus haute juridiction administrative française demande une nouvelle fois au gouvernement d’agir davantage contre le changement climatique. Elle estime en effet que les mesures prises à ce jour en matière climatique ne permettent pas de garantir, "de façon suffisamment crédible", que la trajectoire de réduction des émissions pourra être atteinte.

En juillet 2021, le Conseil d’État avait donné neuf mois au gouvernement pour se mettre en conformité. Un an après la date butoir, force est de constater que le compte n’y est toujours pas, bien que des mesures supplémentaires aient été prises. C’est pourquoi le Conseil d’Etat ordonne au gouvernement, dans une décision rendue publique le 10 mai, de prendre de nouvelles mesures d’ici le 30 juin 2024, et de transmettre, dès le 31 décembre, un bilan d’étape détaillant ces mesures et leur efficacité. En revanche, aucune astreinte financière n’a été prononcée. Les requérants réclamaient 50 millions d’euros par semestre de retard.

Incertitude sur les efforts structurels

Pour prendre sa décision, le Conseil d’État s’est appuyé sur les données publiées par le centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA). Celles-ci montrent que jusqu’ici les objectifs 2019-2023 pourraient être respectés, avec une diminution moyenne des émissions de 1,9% par an. Cependant, note la juridiction, "au-delà de cette moyenne, les baisses des émissions annuelles sont très contrastées : - 1,9 % en 2019, puis - 9,6 % en 2020". En outre, les émissions sont reparties à la hausse en 2021 (+ 6,4 %) avant de redescendre à nouveau en 2022 (- 2,5 %).

"Il existe une incertitude sur le point de savoir si ces résultats sont liés à des actions du gouvernement ou au contexte particulier des dernières années, caractérisé par de fortes baisses de l’activité (2020, avec la pandémie de Covid-19 et deux confinements) puis à la crise de l’énergie (2022 avec la guerre en Ukraine)", précise le Conseil d’État dans un communiqué. Par ailleurs, la trajectoire actuelle du gouvernement, qui vise une réduction de 40% des émissions d’ici 2030, va devoir être réajustée pour se conformer aux objectifs européens qui visent désormais une baisse de 55%.

Les juges ont également auditionné le Haut conseil pour le climat (HCC), dont les rapports sont souvent critiques envers l’action du gouvernement. Ainsi, le HCC estime que le risque de ne pas atteindre les objectifs de 2030 est d’autant plus grand que la trajectoire de baisse des émissions prévoit une accélération des baisses d’émissions qui doivent atteindre -3,2% par an à partir de 2024. "Les éléments retenus par le HCC n’ont pas été sérieusement contestés", note le Conseil d’État.

Esbroufe 

Pour les organisations de l’Affaire du Siècle, c'est "un désaveu pour le gouvernement". "Avec cette décision, le Conseil d’État entérine la défaillance du gouvernement et l'esbroufe qu’il organise autour de son (in)action climatique. À un moment où la France traverse un épisode de sécheresse inédit, après un été 2022 marqué par des incendies catastrophiques, le gouvernement a le devoir de réagir, et vite", écrivent-elles dans un communiqué. Après une première condamnation de l'État en octobre 2021 par le Tribunal administratif de Paris, les ONG de l’Affaire du Siècle prévoient de saisir à nouveau le juge et de demander à leur tour des astreintes financières en raison de l’insuffisance des mesures prises. 

Pour l'avocat spécialisé Arnaud Gossement, l'interprétation n'est pas la même. "Retour à la réalité. Le juge administratif ne va pas sauver la planète", réagit-il dans un post Linkedin."Cette décision douche les espoirs placés en lui pour amener le gouvernement à prendre des mesures plus ambitieuses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle permet simplement de rappeler qu'en application du principe de séparation des pouvoirs, ce n'est pas au juge administratif qu'il appartient de rédiger les politiques publiques de lutte contre le changement climatique", écrit-il.

Concepcion Alvarez


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