Publié le 02 avril 2015
ENVIRONNEMENT
Loi sur la biodiversité : la France encadre le partage des avantages tirés de l’exploitation des ressources génétiques
Un volet de la loi sur la biodiversité encadre désormais le partage des avantages tirés de l’exploitation des ressources génétiques sur le territoire français. L’enjeu est de contrôler l’accès à la biodiversité exceptionnelle des territoires d’outre-mer et du domaine maritime français (le deuxième au monde). Mais la portée économique de la loi est pour l’instant marginale, la bioprospection n’ayant pas connu l’essor annoncé.

iStock
En transcrivant le protocole de Nagoya dans sa loi sur la biodiversité, la France entend lutter contre la "biopiraterie" en partageant les avantages tirés de l'utilisation des ressources génétiques sur son territoire.
Cette réglementation internationale, adoptée en 2010, encadre les relations entre un fournisseur de ressources génétiques, ici l’État français, et un utilisateur dans le cadre d’activités de recherche et de développement (R&D). En France, la biodiversité est reconnue comme un bien commun par le code de l’environnement, ce qui justifie d’instaurer ce mécanisme de partage des bénéfices tirés des ressources génétiques sauvages ou cultivées.
Les entreprises qui font de la bioprospection, autrement dit de la R&D à partir des plantes ou autres organismes vivants, devront donc rendre des comptes à l’Agence française pour la biodiversité (AFB).
Également créée par la loi sur la biodiversité, cette agence est le nouveau bras armé de l’État pour encadrer la protection et l'étude de la biodiversité terrestre et marine. Les secteurs pharmaceutiques et cosmétiques sont concernés en premier chef, puisqu’ils cherchent de nouvelles molécules à mettre sur le marché.
Seule une poignée de laboratoires pharmaceutiques poursuit la bioprospection
Selon la loi, une déclaration à l’AFB suffit au stade de la recherche. Si elle aboutit, l’entreprise devra négocier avec l’agence le partage des avantages (monétaires ou non) avant de développer la commercialisation d’un produit. Ces nouvelles ressources serviront en particulier à financer l’AFB.
Qu’en disent les industriels ? Tout dépendra des conditions du partage qui seront précisées par décrets. Mais pour l’industrie des médicaments : "C’est très clair. Ce système risque de dissuader les entreprises d’aller chercher la biodiversité en France, les conditions d’accès et de partage limitant la compétitivité", estime Delphine Caroff, directrice des relations extérieures du syndicat Les Entreprises du Médicament (Leem). Même son de cloche du côté des entreprises cosmétiques.
Pourtant, la portée économique de la loi semble marginale : aujourd’hui, seule une poignée de laboratoires pharmaceutiques poursuit la bioprospection, et il n’existe pas de grand commerce international des ressources génétiques, comme le rêvaient certains promoteurs d’une économie verte.
La R&D sur les ressources génétiques des plantes n’a en effet pas tenu ses promesses. En cause, la longueur et la complexité des études, estime Bruno David de l’Institut de Recherche Pierre Fabre. "À l’échelle internationale, la mise en place d’une réglementation sur l’accès aux ressources génétiques a également découragé les laboratoires pharmaceutiques", explique celui qui est également président du Groupe de travail sur la biodiversité au Leem. Le partage des bénéfices n’est, de fait, pas négligeable. Par exemple, l’Inde demande entre 2 et 5% des bénéfices sur la vente des produits.
Le revers de la bioprospection
Mais le revers de la bioprospection est surtout à chercher dans la difficulté à trouver de nouvelles molécules intéressantes. L’exemple de Pierre Fabre, ce laboratoire français dont 35% du chiffre d’affaires est lié à l’activité sur les plantes, est parlant. En 1998, dans le cadre d’une unité mixte avec le CNRS, il se lance dans le criblage à haut débit de substances naturelles végétales pour découvrir de nouveaux principes actifs dans le domaine de l’oncologie.
En 2005, Pierre Fabre met même en place au Cambodge un laboratoire de recherche commun avec la Faculté de Pharmacie du pays. Aujourd’hui, ces laboratoires n’ont malheureusement pas encore découverts de produits commercialisables issus de cette bioprospection. "Nous n’avons pas le début d’un retour sur investissement malgré des pistes riches en promesse que nous continuons à explorer", explique Bruno David.
Ainsi, l’enjeu pour l’État français concerne surtout le contrôle d’une recherche sur une biodiversité exceptionnelle, encore largement méconnue. La richesse vient de l’Outre-mer, qui concentre plus de 80 % de la biodiversité française, en particulier dans la forêt amazonienne de Guyane. Le milieu marin français, le deuxième domaine maritime au monde, abrite également de nombreux écosystèmes inconnus. Ces ressources pourraient, à terme, livrer des secrets qui attiseront alors les convoitises.