Publié le 10 janvier 2022
ENVIRONNEMENT
Après le climat, l’État attaqué en justice sur la perte de biodiversité
Cinq ONG ont déposé ce 10 janvier un recours contre l'État pour manquement à ses obligations de protection de la biodiversité. Elles visent la mise sur le marché de pesticides, qui nuisent à l'environnement. La procédure est calquée sur l'Affaire du siècle qui a réussi à faire condamner le gouvernement sur son inaction climatique.

@Justice pour le vivant
Dans la lignée de l’Affaire du siècle, qui a réussi à faire condamner l’État pour son inaction climatique, cinq ONG ont déposé ce lundi 10 janvier un recours devant le tribunal administratif de Paris pour manquement aux obligations en matière de protection de la biodiversité. Les ONG, parmi lesquelles Pollinis et Notre affaire à tous, entendent faire reconnaître la faute de l’État dans la sixième extinction de masse. Elles espèrent ainsi lui imposer de réparer le préjudice écologique causé et réviser le processus de mise sur le marché des pesticides, dont l'usage intensif est l’une des causes du déclin de la biodiversité.
"La biodiversité ordinaire - poissons, oiseaux, insectes...- est en train de s'effondrer. C'est le sentiment d'urgence qui nous pousse à agir. Nous espérons provoquer un changement radical dans la façon de produire notre alimentation" réagit Julie Pêcheur, directrice du plaidoyer au sein de l'association Pollinis. "Nous avons les solutions, nous savons comment entamer cette transition mais pourtant il ne se passe rien, nous regardons ailleurs, comme dans le film Don't look up" déplore également Chloé Gerbier, juriste pour Notre Affaire à tous.
"Par son ampleur et sa visée, ce recours constitue une première mondiale. Les récentes actions pour le climat ayant abouti à de nombreux succès, nous avons décidé cette fois de saisir les tribunaux pour lancer la première action en justice citoyenne dans le monde pour la biodiversité. Il est temps que l’État français soit tenu responsable de l’effondrement du vivant et respecte ses engagements" explique Cécilia Rinaudo coordinatrice de Notre Affaire à Tous, association à l’origine de l’Affaire du siècle.
Plus aucun insecte sur Terre d'ici 100 ans
Au niveau mondial, plus de 40 % des espèces d’insectes sont en déclin, dont 30 % sont menacées d’extinction. À ce rythme, tous les insectes pourraient avoir disparu de la surface de notre planète dans 100 ans. En Europe, la masse des insectes ailés a déjà diminué de 75 % en 30 ans. En première ligne, les insectes pollinisateurs, tels que les abeilles, dont dépendent 84 % des espèces cultivées. Or, la France compte toujours parmi les plus gros consommateurs de pesticides d’Europe.
Pour les ONG, la procédure actuelle d’autorisation des pesticides est "totalement obsolète". Elles dénoncent le fait que les effets croisés ou la toxicité chronique des substances ne soient pas systématiquement testés et les effets cocktails pas pris en compte. Sur le terrain, "les effets et les niveaux de contamination réels ne font pas l’objet de suivis adaptés" et les autorisations, difficilement révocables, "sont délivrées pour des durées trop longues avant même que l’industrie n’ait fourni toutes les données pertinentes" accusent-elles également.
"Tous les plans de réduction des pesticides (Écophyto) ont échoué"
"Si la France tient des discours ambitieux sur la protection de l’environnement et multiplie les engagements, force est de constater que les gouvernements successifs ne tiennent pas les objectifs de protection de la biodiversité qu’ils se fixent eux-mêmes. Tous les plans de réduction des pesticides (Écophyto) ont échoué. Les insecticides néonicotinoïdes, interdits en raison de leur toxicité, bénéficient année après année de nouvelles dérogations. Et les substances hautement toxiques pour le vivant telles que le glyphosate ou les fongicides SDHI sont maintenues sur le marché" dénoncent les cinq ONG.
En septembre dernier, lors du Congrès mondial de la Nature à Marseille, Notre affaire à tous et Pollinis avaient déjà envoyé des injonctions préalables à l’État, première étape d’une action en justice. Deux mois plus tard, n’ayant reçu aucune réponse du gouvernement, les ONG se sont donc tournées vers la justice. Cette procédure suit ainsi le chemin de l’Affaire du siècle sur le climat, lancée fin 2018 par Notre Affaire à tous et trois autres ONG.
Concepcion Alvarez @conce1