Publié le 05 juin 2023

ENVIRONNEMENT

21 jours sans pluie à Paris : tout savoir sur la "sécheresse éclair" qui frappe le nord de la France

Des plantes asséchées et des tapis de feuilles mortes jonchent les sols des parcs parisiens en ce début de mois de juin. Pour cause, depuis 21 jours, il n'a pas plu sur la capitale. Une sécheresse éclair frappe en effet une large partie nord du pays. Favorisé par le réchauffement climatique, ce phénomène sera amené à devenir plus fréquent et plus intense.

Secheresse Barbara Coene / istock
Avec le changement climatique, le phénomène de sécheresse éclair sera plus fréquent et plus intense.
Barbara Coene / iStock

Paris a atteint son 21e jour sans pluie avec un vent desséchant : une série rare en mai/juin, a écrit le docteur en agroclimatologie, Serge Zaka, sur Twitter. Symptomatique d'une sécheresse dite 'éclair' sur une large partie nord de la France, ce phénomène a ainsi inversé la situation d'accalmie dans laquelle le pays se trouvait grâce aux précipitations survenues aux mois de mars et d'avril.

Aussi rapide qu’imprévisible, cette sécheresse éclair est même qualifiée de cas d’école; par ce chercheur auprès de Novethic. Car il faut remonter à 1949 pour trouver un cas similaire;.

Demain, Paris atteindra son 21ème jours sans pluie avec un vent d'est desséchant : une série rare en mai/juin. Il faut remonter à 1949 pour trouver un cas similaire. Les sols agricoles ont déjà perdu tout le capital d'eau accumulé en mars/avril.
Quels impacts agricoles ?… pic.twitter.com/PXgr7CuPPK

— Dr. Serge Zaka (Dr. Zarge) (@SergeZaka) June 4, 2023

De quoi parle-t-on concrètement ?

Cette sécheresse éclair que le Nord subit actuellement se caractérise par une forte évapotranspiration en raison d’un important ensoleillement, d’un manque de précipitation et d’un vent continu desséchant, ainsi que d’un indice d’humidité des sols très bas. On parle de sécheresse éclair de déficit de précipitation, à l’inverse de celle dite 'caniculaire', que la France a vécu en 2019. La dernière grosse sécheresse éclair que la France a connue, et qui d’ailleurs était pour nous une nouveauté, remonte au 28 juin 2019, explique Serge Zaka, où à Montpellier, les 46°C couplé au Mistral ont eu pour conséquence de brûler une grande partie des vignobles de la région.

Ce phénomène de sécheresse éclair a toujours existé, insiste l’agroclimatologue Serge Zaka, auparavant moins intense et moins violent, il passait généralement inaperçu. Mais sous l’effet du réchauffement climatique, ces sècheresses sont devenues plus fréquentes et plus violentes, comme l’a récemment démontré une étude publiée le 13 avril dernier, dans la revue Science. Selon les auteurs, des chercheurs des universités Nanjing (Chine) et de Southampton (Royaume-Uni), ce phénomène devrait s’amplifier pour chaque incrément de réchauffement supplémentaire. Ce que confirme également Serge Zaka.

Quelles sont les conséquences de cette sécheresse éclair ?

Ce qui caractérise aujourd’hui cette sécheresse éclair, selon le docteur en agroclimatologie, Serge Zaka, c’est la déperdition très rapide en eau des sols et des végétaux. D’ailleurs, l’évapotranspiration n’a jamais été aussi importante début juin, et ce depuis le début des relevés, nous explique-t-il reprenant ainsi le graphique mis en ligne par François Jobard, météorologue à Météo France.

Au nord, avec le soleil de mai/juin très puissant, avec la bise, le plus sec parmi les vents, des taux d'humidité parfois <30 % en journée, les sols s'assèchent rapidement, évapotranspiration potentielle au max. Les sols assez humides avril/mai s'assèchenthttps://t.co/yQZLPnw07i pic.twitter.com/PqVFqXVWf4

— François Jobard (@Francois_Jobard) June 1, 2023

Pour le moment, ce phénomène n’a pas encore d’impact sur l’agriculture, car cette sécheresse n’est pas assez durable, et qu’elle ne concerne pas non plus les eaux en profondeur, explique-t-il. À ce stade, ce phénomène touche uniquement les quarante premiers centimètres des sols, et affecte donc les espèces agricoles ayant des racines inférieures, et qui dépendent essentiellement de l’eau de surface. Comme c’est le cas pour le maïs, la pomme de terre, la betterave et le tournesol.

En revanche, les sols agricoles ont déjà perdu tout le capital d’eau accumulé au printemps, alerte l’expert. Cette sécheresse éclair nous a fait perdre notre capital en eau que nous avions accumulé lors des pluies de mars et avril, nous mettant ainsi en situation de fragilité pour ce début d’été.

Un mauvais signe pour l'été à venir ?

Ce n’est effectivement pas très positif pour les semaines à venir, explique le scientifique qui n’est pas défaitiste. En effet, la sécheresse peut disparaître comme elle est arrivée. Selon lui, s’il pleut de nouveau suffisamment sur la deuxième partie du mois de juin, cette sécheresse éclair n’aura alors eu aucun impact sur les cultures de type blé, orge et colza. Et, les cultures de maïs, pommes de terre et betteraves pourraient même rattraper leur retard. À l’inverse, si cette sécheresse est amenée à durer, d’une à deux voire trois semaines supplémentaires, cela entamerait fortement le potentiel de rendement de toutes les cultures. C’est donc à surveiller.

Cependant, ce phénomène posera à long terme des problématiques en matière de gestion agricole puisque ces sécheresses éclairs, en raison de leur fréquence et de leur intensité, vont rendre plus complexe la production agricole, explique Serge Zaka, ajoutant que ces sécheresses pourraient surtout fragiliser économiquement les agriculteurs déjà, fortement touchés par les assauts du changement climatique.

Blandine Garot


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