Publié le 02 juillet 2023

ÉNERGIE

Précarité énergétique d’été : plus d’un Français sur deux souffre de la chaleur dans son logement

Souvent négligée, la précarité énergétique d’été est un enjeu majeur de l’adaptation au changement climatique qui concerne une part grandissante de la population française. Pour lutter contre cette forme de mal-logement, la Fondation Abbé Pierre vient de publier une série de préconisations.

Precarite energetique ete FRED SCHEIBER AFP
Des solutions "low-tech" comme installer des protections solaires ou peindre les toits en blanc peuvent permettre de gagner quelques degrés dans les logements.
FRED SCHEIBER / AFP

Passoire l’hiver, bouilloire l’été. En France, 5,2 millions de logements difficiles à chauffer lorsque les températures sont basses deviennent, lors des vagues de chaleur, impossibles à refroidir. Cette situation, qui relève d’une forme de mal-logement selon la Fondation Abbé Pierre (Fap), porte un nom : la précarité énergétique d’été. Dans une nouvelle étude publiée le 26 juin dernier, l’organisation met en lumière l’ampleur du phénomène qui devrait s’aggraver dans les années à venir sous l’effet de plusieurs facteurs, dont le changement climatique et l’urbanisation.

Aujourd’hui, plus de la moitié des Français en souffriraient. Ils sont 59% à déclarer avoir subi un excès de chaleur lors de l’été 2022, soit une augmentation de huit points en un an d’après les chiffres du Médiateur de l’énergie. Les locataires seraient particulièrement touchés (63%), mais aussi les personnes vivant en appartement (48%), comme en témoigne Dahlia auprès des auteurs du rapport. "42°C à l’extérieur, 46°C à l’intérieur. Les murs étaient chauds, le canapé, le sol, les meubles (…). Ce jour-là, j’ai pris conscience qu’on ne pourrait pas rester encore très longtemps habiter dans cet appartement", regrette cette propriétaire d’un logement parisien situé sous les toits. 

Le confort d’été, grand oublié

Les personnes âgées, les jeunes et les résidents de quartiers populaires, "davantage concernés par les ilots de chaleur urbains, dont le béton stocke la chaleur la journée et la rediffuse la nuit", sont par ailleurs désignés comme les personnes les plus vulnérables face à la précarité énergétique d’été, encore peu prise en compte dans le confort de vie des habitants. "La sensation de froid, l’hiver, est mieux documentée", concède au média 20 minutes Manuel Domergue, directeur des études de la Fap. Les deux phénomènes partagent pourtant les mêmes causes : manque d’isolation, absence de protections et de volets… 

Pour lutter contre "l’inhabitabilité liée aux pics de chaleur", la Fondation Abbé Pierre appelle ainsi à "repenser l’organisation des villes et du bâti" au travers d’une vingtaine de mesures. Parmi les solutions proposées, la végétalisation des agglomérations et des logements permettrait à elle seule de gagner jusqu’à 10°C par endroit. L’organisme insiste également sur la prise en considération du confort d’été dans les aides à la rénovation thermique et dans l’évaluation du diagnostic de performance énergétique (DPE). 

Plus de volets, moins de climatisation

Au niveau des logements, la fondation demande la mise en place d’un grand "plan volets". Ce dernier devrait permettre "à tout le monde de s’équiper, avec une prise en charge des frais pour les ménages les plus modestes", tout en simplifiant "les règles, dans les zones soumises à l’appréciation des Architectes des bâtiments de France (ABF), qui s’opposent parfois à la pose de volets pour des raisons esthétiques", précise Manuel Domergue. Dans son rapport, la Fondation indique en effet que la simple pose de protections solaires peut entraîner une baisse de de 2°C à 5°C.

Autant de mesures qui devraient permettre de réduire l’usage de la climatisation, peu économique et polluante, qui prend de l’ampleur dans l’Hexagone : en 2020, 25% des Français en étaient équipés. Cette même année, les climatiseurs étaient responsables d’un peu moins de 5% des émissions de CO2 produites par le secteur du bâtiment. "Les climatisations peuvent déclencher une consommation d’énergie importante et aggraver le stress thermique extérieur", expliquent en effet les auteurs d’une étude publiée par Environmental Research Letters. Rejetant des fluides frigorigènes qui une fois dans l'atmosphère ont un fort pouvoir réchauffant, cette solution constitue ainsi une forme de "mal-adaptation", qu'il faudrait mieux encadre selon la Fondation.

Florine Morestin


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