Publié le 13 novembre 2018
ÉNERGIE
[Infographie] Quand la transition numérique entrave la transition énergétique
On ne compte plus les applis censées nous aider à consommer moins et mieux, ni les objets connectés qui nous promettent de gagner en efficacité énergétique. L'envers du décor est loin d'être aussi radieux. L'explosion du numérique va de pair avec une très forte augmentation de la consommation énergétique.

@Pixabay
Il y a quarante ans, la mission Apollo 11, qui a permis à l'Homme de marcher sur la Lune, avait demandé un programme informatique de 70 kilooctets. C'est aujourd'hui le poids moyen d'un simple mail ou d'une requête sur un moteur de recherche ! Cette obésité de nos codes et de l'usage que nous en faisons ne se fait pas sans mal pour la planète.
Tension sur la production électrique
Deux récentes études, publiées par The Shift Project (1) et le WWF France (2), alertent sur les effets collatéraux liés à l’explosion du numérique, si souvent vanté pour ses bénéfices sur l’efficacité énergétique et la maîtrise de la consommation. Pourtant, le développement rapide du numérique génère une augmentation forte de son empreinte énergétique.
"Cet impact environnemental doit être adressé, faute de quoi le numérique fera davantage partie du problème que de la solution" prévient The Shift Project. L’intensité énergétique de l’industrie numérique augmente de 4 % par an, à contre-courant de l'évolution de l’intensité énergétique du PIB mondial, qui décroît de 1,8 % chaque année. C’est l’explosion des usages vidéo (Skype, streaming, etc.) et la multiplication des périphériques numériques qui sont les principaux facteurs de cette inflation énergétique, bien loin devant les data centers qui font la Une des médias.
Les deux organisations arrivent à la même conclusion : les impacts environnementaux du numérique sont essentiellement concentrés lors de la fabrication des équipements (environ 45 % l’empreinte énergétique du numérique). Il faut donc allonger au maximum la durée de vie des périphériques et en limiter le nombre. Le WWF a ainsi calculé que si les entreprises françaises privilégiaient le réemploi de leurs ordinateurs professionnels sur le recyclage, cela permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 810 000 tonnes, d’éviter l’utilisation de 6 milliards de litres d’eau et de créer 1 500 emplois non délocalisables.
Sobriété numérique
"Les gains d’efficacité énergétique obtenus grâce aux objets connectés ne seront pas suffisants, il faut une approche de sobriété numérique", plaide the Shift Project. Cela permettrait de ramener l’augmentation de la consommation d’énergie du numérique à 1,5 % par an contre 9 % actuellement.
Le think tank propose enfin d’aller plus loin en interrogeant l’utilité sociale et culturelle de nos comportements. "L’essentiel de la croissance des flux de données est attribuable à la consommation des services fournis par les GAFAM. Celle-ci peut représenter 80 % du trafic écoulé sur le réseau de certains opérateurs, pour regarder le plus souvent des vidéos de petits chats", ironise Hugues Ferreboeuf, chef de projet pour The Shift Project.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir le rapport de The Shift Project "Pour une sobriété numérique" ici et son résumé là.
(2) Voir le rapport du WWF France avec Le Club Green IT "Quelle démarche Green IT pour les grandes entreprises françaises?" ici.