Publié le 04 décembre 2018
ÉNERGIE
Gilets jaunes : Édouard Philippe annonce un moratoire de six mois sur la taxe carbone
Le Premier ministre a annoncé mardi 4 décembre la suspension pour six mois de plusieurs mesures fiscales, dont une pause dans la hausse de la taxe carbone et un gel des prix de l’électricité et du gaz. Ces concessions doivent permettre à un exécutif acculé, de sortir de la crise des "gilets jaunes", mais elles sont déjà qualifiées d'insuffisantes.

@LudovicMarin/AFP
Dans une déclaration depuis l'hôtel Matignon, Édouard Philippe a confirmé un moratoire de six mois sur la hausse de la taxe carbone, sur l'essence, le fioul et le diesel ; la convergence de la fiscalité du diesel avec celle de l'essence et l'alignement sur la fiscalité des particuliers de la fiscalité du gazole des entrepreneurs non routiers.
Envoyé en première ligne pour tenter de déminer la crise, il a également annoncé que les tarifs du gaz et de l'électricité "n'augmenteront pas pendant l'hiver" comme c'était prévu et la suspension, pour six mois là-aussi, du durcissement prévu du contrôle technique.
"Fixer le cap et le tenir est une nécessité pour gouverner la France, mais aucune taxe ne mérite de mettre en danger l'unité de la Nation", a fait valoir le Premier ministre. "Nous voulons dans ce laps de temps identifier et mettre en œuvre des mesures d'accompagnement justes et efficaces. Si nous ne les trouvons pas, nous en tirerons les conséquences", a-t-il ajouté, signifiant que le gel pourrait le cas échéant se transformer en abandon pur et simple.
Fixer le cap et le tenir est une nécessité pour gouverner la France, mais aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la Nation.
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) 4 décembre 2018
Un mouvement que nul n’avait prédit
Il s'agit de "ramener l'apaisement et la sérénité dans le pays", a-t-il expliqué, après plusieurs manifestations des "gilets jaunes" qui ont dégénéré en guérilla urbaine samedi à Paris. Il a invité à cet égard les "gilets jaunes" qui ont prévu de manifester samedi à le faire "dans le calme" et à déclarer leur manifestation.
Par ailleurs, alors que certains gilets jaunes demandaient des États générarux de la fiscalité, le chef du gouvernement annonce "un large débat sur les impôts et les dépenses publiques. Il faut plus de transparence sur les impôts en France. Nos impôts sont les plus élevés d’Europe, notre système fiscal est terriblement complexe". Cette concertation doit débuter le 15 décembre et se terminer le 1er mars.
Il nous faudra débattre du juste niveau du service public dans les territoires, et notamment les territoires ruraux car ce que nous avons entendu, c’est aussi une demande de plus de service public.
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) 4 décembre 2018
Selon les analystes, ces annonces représentent un recul pour Emmanuel Macron qui, depuis le début de son mandat, était déterminé à "garder le cap". "Depuis des mois, on se demandait qui réussirait à faire plier le gouvernement et le Président. Et comme toujours, ce sera venu d'un mouvement que nul n'avait prédit", a commenté le directeur général adjoint d'OpinionWay Bruno Jeanbart.
L'opposition et des représentants des "gilets jaunes" ont, de leur côté, jugé ces mesures insuffisantes et tardives. La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a ironisé sur les six mois de moratoire, au bout desquels se tiendront les élections européennes, prévues fin mai. "6 mois... Sûrement un hasard si ça nous porte juste quelques jours après les élections", a-t-elle tweeté.
En pleine COP24
"C'est trop peu et trop tard, les Français attendent des mesures de pouvoir d'achat définitives" alors que "là on est sur une suspension des taxes", a estimé le vice-président Les Républicains Damien Abad. "Rien pour améliorer les fins de mois, rien sur le Smic, rien sur les pensions, rien sur l'ISF. Quand on rend copie blanche, ça mérite zéro pointé", a dénoncé Ian Brossat, chef de file du PCF pour les Européennes.
Édouard Philippe doit encore s'exprimer lors de la séance de questions au gouvernement, avant un débat mercredi après-midi à l'Assemblée, suivi d'un vote des députés qui n'engagera pas la responsabilité du gouvernement, et jeudi au Sénat.
Cette suspension de la fiscalité carbone, dont beaucoup estiment qu’elle revient à une annulation tant il sera difficile de remettre cette taxe en place, tombe en plein pendant la COP24 en Pologne. 196 États sont au chevet de la planète afin de trouver une solution pour enrayer les émissions de CO2, qui met aujourd’hui la Terre sur un réchauffement bien au-delà des 2°C voulu par l’Accord de Paris.
Ludovic Dupin avec AFP