Publié le 31 juillet 2017
ÉNERGIE
Voiture électrique : La France est-elle prête à abandonner l’essence et le diesel ?
Les constructeurs automobiles assurent que la technologie sera au rendez-vous pour répondre à la promesse de Nicolas Hulot de mettre fin aux véhicules thermiques en 2040. Mais ils appellent l’État à assumer sa part de responsabilité en déployant les infrastructures nécessaires à cette transformation. Selon France Stratégie, le coût pour la collectivité s’élèvera entre 25 et 35 milliards d’euros pour mettre en place 30 millions de bornes de recharge d’ici 2050.

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C’est l’annonce choc du plan climat, détaillé début juillet par Nicolas Hulot : la fin de la vente des voitures thermiques à l’horizon 2040. Mais concrètement, sommes-nous prêts à passer à un modèle plus propre ? Oui, répondent à l’unisson les constructeurs automobiles.
"C'est très positif. Nos propres constructeurs ont dans leurs cartons de quoi alimenter et incarner cette promesse, ils sont déjà dans cette dynamique d'électrification", assure François Roudier, le directeur de la communication du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA).
"Nous serons prêts technologiquement"
L’Alliance Renault-Nissan domine le marché de la voiture électrique à l’international avec plus de 460 000 véhicules vendus jusqu’à aujourd’hui. "Ce qui est deux fois plus que notre compétiteur immédiat et le plus médiatisé, Tesla", a déclaré Carlos Goshn, son PDG, lors de l’Assemblée générale des actionnaires en juin. La Zoé de Renault, qui a vu son autonomie doublée pour passer à 400 kilomètres, est ainsi la voiture électrique la plus vendue en France et en Europe.
De son côté, le groupe PSA s’engage à proposer à ses clients 80% de ses modèles électrifiés à horizon 2023. Le groupe prévoit de sortir, entre 2019 et 2021, 5 modèles électriques et 7 modèles hybrides essence rechargeables. "Nous serons prêts technologiquement", assure Christian Chapelle, directeur chaîne de traction et châssis. "Nous avons notamment progressé sur l’autonomie des véhicules : en 30 minutes de temps de recharge, vous pouvez déjà récupérer 80 % de l'autonomie."
Attentisme
Si les constructeurs français se positionnent sur les voitures électriques à batterie, ils se contentent de suivre de loin le marché des véhicules électriques à hydrogène (ou à pile à combustible) trusté par les asiatiques Toyota et Hyundai. "Je ne vais pas demander à l’État de déployer des infrastructures alors qu’il n’y a pas d’offres de véhicules, explique Pierre-Etienne Franc, directeur Marchés et technologies avancées d'Air liquide. La Chine qui mise sur le développement de bus à hydrogène va permettre de faire bouger les lignes. La France se contentera alors de rejoindre le peloton."
C’est là tout le nœud du problème : faut-il attendre les infrastructures pour lancer les véhicules ou bien l’inverse ? Pour l’instant, les uns et les autres s’observent sans qu’aucun ne bouge. Pour les constructeurs, si la transition vers des véhicules propres "ne réussit pas, ça ne sera pas un problème technique chez nous, mais un problème dans le soutien à l'infrastructure", insiste François Roudier du CCFA. "Il faut qu'on ait la capacité de recharger un véhicule électrique ou hybride aussi bien qu'un véhicule essence ou diesel".
"Comment va-t-on produire toute l’électricité nécessaire et la déployer chez M. et Mme tout le monde, et même dans les endroits les plus reculés ?", interroge Christian Chapelle. "Cela va nécessiter des aménagements importants en termes d'infrastructures." Et de rappeler que le groupe PSA avait été pionnier dans les véhicules électriques avec deux modèles lancés dès 1995 (une Citroën Saxo et une Peugeot 106). "Pourquoi ça n’a pas marché ? Parce que les infrastructures et l’Etat n’ont pas suivi."
Un coût de 35 milliards d’euros
Selon une étude de France Stratégie (1) publiée en décembre dernier, un parc automobile français 100 % électriques consommerait près de 90 TWh (térawattheures) par an. Ce qui correspond à un surplus de 20 % de la consommation d’électricité actuelle. En revanche, ce qui risque de poser problème c’est la concomitance des recharges. "Un parc de 30 millions de véhicules électriques se rechargeant en même temps à 19 heures, même lentement à 3 kW, nécessiterait une puissance supplémentaire installée de 90 GW (gigawatts), soit un quasi-doublement de la demande de pointe actuelle", estiment les auteurs.
Par ailleurs, le déploiement de bornes de recharge coûterait entre 25 et 35 milliards d’euros d’ici 2050 à la collectivité. Pour Victor Poirier, chargé d’études à l’Institut Montaigne, et auteur d’une étude sur la place de la voiture demain (2), "il faut encourager toutes les technologies prometteuses à parts égales et ne pas privilégier une seule solution afin de ne pas reproduire les erreurs du passé avec le diesel".
La France n’est pas seule à se lancer dans la voie des véhicules propres. L’Inde et la Suède veulent mettre fin aux moteurs à explosion en 2030, la Norvège étudie déjà cette possibilité pour 2025 et le gouvernement britannique vient également d'annoncer qu'il souhaitait interdire la vente des véhicules diesel et essence d’ici à 2040. Du côté des constructeurs, Volvo assure qu’il ne lancera plus que des modèles électriques ou hybrides dès 2019.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Étude France Stratégie
(2) Étude Institut Montaigne