Publié le 14 mai 2018
ÉNERGIE
Tesla veut supprimer le cobalt de ses voitures électriques, un défi en matière de compétitivité et de droits humains
Le fabricant de voiture électrique Tesla veut diminuer massivement l’utilisation du cobalt dans ses voitures. Un objectif qui permet de diminuer l’exposition de la marque aux risques de ce marché sous forte tension due à une demande exponentielle, mais aussi de rendre sa chaîne d’approvisionnement plus responsable. Essentiel à la transition énergétique et numérique, le cobalt a vu son prix quadrupler en deux ans.

@Tesla
Dans sa lettre aux actionnaires publiée à l’occasion des résultats 2017, Elon Musk, patron et fondateur de Tesla, annonce qu’il veut réduire à "presque à zéro" l’utilisation du cobalt dans les cellules des batteries de ses voitures électriques. Il assure que, d’ores et déjà, ses Model 3 utilisent bien moins de ce minerai que les voitures concurrentes de sa catégorie.
L’enjeu est de taille, d’une part en matière de performances économiques et d’autre part en ce qui concerne les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Pour le premier point, rappelons que le cobalt flambe. Son prix a presque quadruplé depuis 2016, pour atteindre désormais plus de 82 000 dollars la tonne. Deux marchés tirent les prix vers le haut : celui des batteries pour voitures électriques, qui représentent 50 % de la demande, et celui des terminaux numériques, en particulier les smartphones.
Travail des enfants
Selon Darton Commodities, la demande se situait à 48 900 tonnes en 2016 et 55 400 tonnes en 2017. Les analystes anticipent une croissance de 40 à 50 % pour la seule année 2018 et tablent sur 324 400 tonnes en 2030. Cette pression pousse les grandes entreprises à sécuriser leurs approvisionnements, à l’image d’Apple qui a passé des contrats directement avec des entreprises minières ou de Volkswagen qui a lancé un appel d’offre portant sur 10 ans d’approvisionnement.
Pour le second point sur la responsabilité d’entreprise, diminuer le recours au cobalt permet d’améliorer la transparence des chaînes d’approvisionnement. 60 % du cobalt mondial provient de République démocratique du Congo (RDC). Or dans ce pays, 20 % du minerai est extrait à la main dans des mines artisanales par des "creuseurs", qui sont souvent des enfants. Investisseurs et ONG appellent les entreprises à plus de transparence.
La plus grande place boursière pour les échanges de métaux non ferreux, le London Metal Exchange (LME), qui regroupe 80 % des contrats mondiaux, a lancé une enquête sur ce sujet. Et plusieurs grands industriels participent à une expérimentation de la blockchain pour s’assurer du respect des droits humains dans les mines artisanales ou semi-automatisées du pays africain.
Tesla déjà aux limites du possible
Reste que si l’annonce d’Elon Musk a légèrement fait infléchir le cours du cobalt, une première depuis deux ans, les analystes ne prévoient pas d’impacts à long terme. "La hausse de la production de véhicules électriques sera beaucoup plus importante que la réduction de l'intensité du cobalt, qui est déjà proche de sa limite", explique le spécialiste Simon Moores à Bloomberg.
"Tesla consomme toujours environ 4,5 kilogrammes de cobalt par véhicule en moyenne, selon les estimations de Benchmark, et il reste peu de place pour des diminutions supplémentaires", précise l’agence américaine. Cela reste déjà une belle performance alors que les véhicules électriques consomment en moyenne 8 à 12 kg de cobalt par batterie. Elon Musk l’assure : "Nous pensons que nous pouvons amener la quantité de cobalt à presque rien".
Certains spécialistes des matériaux en doutent. Selon Marc Grynberg, PDG du Belge Umicore, cité par Reuters : "il n'y a pas de meilleur élément que le cobalt pour stabiliser les batteries. Alors des designs sans cobalt, cela ne se produira pas dans les trois prochaines décennies. Ça ne marche tout simplement pas."
Ludovic Dupin @LudovicDupin