Sauter dans un bus ou un tramway sans avoir à débourser un centime, c’est aujourd’hui le quotidien des 500 000 habitants de la métropole de Montpellier. Depuis le 21 décembre dernier, tous bénéficient de transports en commun entièrement gratuits, sans condition. Une révolution pour la ville qui devient l’une des plus grandes agglomérations européennes à adopter la gratuité des transports et rejoint la cinquantaine de communes l’ayant déjà mis en place. Une mesure
“d’écologie positive” qui
“concilie urgence sociale et urgence climatique”, estime un collectif de responsables politiques européens
dans une tribune au Monde, co-signée par Michaël Delafosse, maire de Montpellier.
Soutenir le pouvoir d’achat, désengorger et apaiser les centres-villes, encourager les mobilités durables, agir en faveur de la transition énergétique… Pour Julie Frêche, élue déléguée aux transports et mobilités actives à la Métropole de Montpellier, les bénéfices de la gratuité sont en effet multiples. “C’est une mesure pivot d’un système en faveur de la décarbonation des transports”, explique-t-elle à Novethic. Pourtant, l’impact écologique de l’initiative, à commencer par la réduction du trafic automobile grâce au report modal, fait largement débat parmi les spécialistes du secteur.
Manque de recul sur le dispositif
“La voiture coûte cher. Les personnes qui choisissent de prendre leur auto le font pour d’autres raisons, par confort ou parce qu’elles n’ont pas d’autres d’alternatives”, explique Lucile Ramackers, experte de la mobilité urbaine. Sur ce point, une étude publiée en 2018 par le
Laboratoire Interdisciplinaire d’Évaluation des Politiques Publiques de Sciences Po rapporte que dans les villes ayant instauré des stratégies de gratuité,
“le report modal depuis l’automobile est généralement très faible.” Ce dernier s’effectuerait
“principalement” depuis des
“modes de déplacements actifs”, comme la marche et le vélo.
Une conclusion pourtant difficile à vérifier selon le Sénat, qui pointe
dans un rapport rédigé en 2019 un manque de données et de recul sur le sujet, entraînant de fait un
“bilan environnemental mitigé”. Pour éclaircir la situation, une large étude sur les habitudes de déplacements des usagers va être menée d’ici 2025 par la Communauté urbaine de Dunkerque suite à la mise en place de la gratuité sur ce territoire en 2018. Du côté de Montpellier, la gratuité des transports en commun s’inscrit dans une stratégie globale pour réduire l’usage de la voiture.
“Nous employons un ensemble de mesures qui concourent au report modal, comme l’aménagement de voies cyclables ou la création d’un plan de circulation anti-transit”, souligne Julie Frêche.
Une mesure sociale avant tout
“La gratuité, ce n’est pas l’alpha et l’oméga pour régler tous les problèmes, renchérit Vanessa Delevoye, pilote stratégique de l’Observatoire des Villes du transport gratuit (OVTG). C’est avant tout une mesure sociale, dont on suppute qu’elle a des effets écologiques.” Elle permet de mettre l’ensemble des usagers sur un pied d’égalité et de répondre au phénomène de non-recours. Les opposants à la gratuité complète lui préfèrent en effet bien souvent la tarification sociale qui offre aux populations les plus précaires des réductions ou un accès libre au réseau de transport, sous conditions. Problème, les démarches administratives liées au dispositif peuvent exclurent une partie des usagers qui ne le sollicitent alors pas.
D’autre part, rendre les transports accessibles gratuitement “bouleverse la carte mentale des habitants”, fait valoir Vanessa Delevoye. L’initiative ancre par exemple une nouvelle perception des mobilités durables auprès des jeunes et apporte davantage de mixité sociale. Reste que pour concrétiser ces bénéfices, l’offre de transports se doit d’être performante, avant même d’être gratuite. “Qualité, ponctualité, amplitude horaire, matériel récent… Plus un système de transports est efficace, plus on va convaincre les usagers”, affirme Lucile Ramackers. Des besoins que la métropole de Montpellier affirme avoir bien pris en compte. “Les expériences menées dans les autres villes nous démontrent que la gratuité ne peut se faire au détriment de l’offre, souligne Julie Frêche. Elle nous oblige car il y a une réelle attente de la part des habitants”.