Publié le 13 juin 2017

ÉNERGIE

La méga-mine de charbon qui va détruire la Grande Barrière de corail n'est pas économiquement viable

Le chantier d'une mine géante de charbon très polluante et proche de la Grande Barrière de corail, va officiellement être lancé en Australie. Le charbon, destiné à l'Inde, sera transporté par bateau. Outre le lourd impact environnemental, la faisabilité économique et financière d'un tel projet est également pointée du doigt. 


La Grande Barrière de corail serait fortement impacté par la méga-mine de charbon Carmichael

La mine Carmichael, située près de la Grande Barrière de corail en Australie, a été "officiellement lancée" le 9 juin par Gautam Adani, le milliardaire indien du groupe éponyme en charge du projet. Ce sera l'un des plus gros sites de production au monde. Composé de cinq mines souterraines et six à ciel ouvert, il devrait fournir 60 millions de tonnes de charbon par an (l'équivalent de 80 % de la consommation annuelle allemande).

Le conseil d’administration du groupe Adani a pris "sa décision finale d’investissement", a-t-il indiqué dans un communiqué. Un chantier à 14,8 milliards d’euros, l'investissement le plus important de l’Inde en Australie. C'est aussi l'un des chantiers les plus controversés.

Un désastre pour le climat

Pendant 7 ans, le projet a été bloqué par les ONG. Il faut dire que l’impact environnemental est lourd. Le charbon extrait doit être acheminé par train vers le port d’Abbot Point, que le groupe Adani a acheté en 2011, pour ensuite transiter, en bateau, vers l’Inde. Sur sa route : la grande barrière de corail. "Ce projet empoisonné est un désastre pour le climat", a réagi Greenpeace Australia. "L’impact en terme de réchauffement climatique et d’acidification des océans serait lourd alors que la moitié des coraux sont déjà morts en l’espace de deux ans", souligne Lucie Pinson des Amis de la Terre, interrogée par Novethic.

Ce projet est pourtant soutenu par le gouvernement australien et surtout par celui de l'État du Queensland, région où le chômage est élevé. Les autorités ont été séduites, comme le rappelle Le Monde, par la promesse des 10 000 emplois directs et indirects engendrés par le chantier, chiffres pourtant contestés.

Le marché du charbon est déjà assez approvisionné

"Adani s’est lui-même donné le feu vert en se disant prêt à investir dans le projet. C’est avant tout une opération de communication, qui ne renforce en aucun cas la faisabilité économique et financière du projet. Il lui manque toujours plusieurs milliards de financement pour le conduire à bien", estime Lucie Pinson.

Adani est l'une des entreprises les plus endettées d'Inde et n’aurait reçu aucun financement de banques pour ce projet. Face à la pression des associations, elles sont nombreuses à avoir pris leurs distances. Les françaises comme BNP Paribas, Crédit Agricole ou encore Société Générale ne financent plus d’exploitation de charbon depuis 2015.

Et les quatre principales banques australiennes se sont détournées du projet. En cause : l’impact environnemental mais aussi l'inutilité d’une telle mine. Selon Mathew Hodge, analyste de Morningstar, "le marché du charbon maritime est déjà assez approvisionné".

Les énergies renouvelables compétitives

Plus globalement, "la pertinence des nouveaux projets très carbo-intensifs comme la mine de Carmichael est fortement remise en cause aujourd’hui. Pas seulement pour leurs impacts environnementaux majeurs mais aussi car ces investissements deviennent très risqués économiquement", décrypte Harald Condé Piquer, analyste et responsable des formations "Risques ESG", au centre de Recherche de Novethic. "Les énergies solaire et éolienne sont devenues compétitives avec les énergies fossiles en Australie, mais aussi en Inde et en Chine".

Malgré ces risques, les travaux devraient commencer dès le mois de septembre, sans qu’Adani n’ait donné de garanties de financement. "Développer une méga-mine dépendante de subventions publiques et des exportations vers les pays émergents, alors que l’Inde cherche à stopper ses importations de charbon dès 2020, est non seulement à contre-courant de la lutte contre le changement climatique, mais aussi des évolutions structurelles des marchés de l’énergie", résume Harald Condé Piquer. 

 Marina Fabre @fabre_marina


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