Publié le 23 octobre 2018
ÉNERGIE
Climat : Total, premier pétrolier à être interpellé sur son devoir de vigilance
Les maires de plusieurs villes françaises et des ONG ont demandé mardi 23 octobre au groupe pétrolier Total d'agir pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°. Faute de quoi ils pourraient l'attaquer en justice.

@DR
Arcueil, Bayonne, Bègles, Correns, Grande-Synthe, Grenoble, La Possession (à La Réunion), Mouans-Sartoux, Nanterre, Saint-Yvon, Sevran, Vitry-le-François et la collectivité territoriale de l'Est-ensemble Grand Paris demandent à Total d’agir pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Elles font valoir qu'elles "souffrent déjà de [ses] effets", dans un communiqué. Ces collectivités sont soutenues par les associations, Sherpa, ZEA, les Eco Maires ou Notre affaire à tous.
Les émissions de gaz à effet de serre de la multinationale française "représentent à elles seules plus des deux tiers de l'ensemble des émissions de la France", font valoir ces collectivités et ces associations. Les ONG et maires des villes se basent sur un rapport publié par l'ONG britannique CDP, qui mène une campagne annuelle sur les émissions de gaz à effet de serre des entreprises.
Selon ces données, les émissions de gaz à effet de serre de Total ont atteint 311 mégatonnes équivalent CO2 en 2015, comparés à 463 pour la France. Le chiffre correspond à son activité en propre et celles liées à l'usage des énergies fossiles qu'elle produit, selon une porte-parole des ONG.
Interpellé sur le devoir de vigilance
La démarche commune des élus et des associations est inédite car elle s’appuie sur le devoir de vigilance. Depuis 2017, la loi française oblige les grandes entreprises, établies en France, à élaborer un plan de vigilance pour évaluer, prévenir et réduire leurs impacts sociaux et environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, y compris leurs sous-traitants ou fournisseurs à l'étranger.
Dans un courrier recommandé envoyé au PDG de Total, Patrick Pouyanné, ces collectivités et ONG réclament que le plan de vigilance de Total prenne en compte "la réalité des impacts de (ses) activités et les risques d'atteintes graves au système climatique qu'elles induisent". En effet, selon les signataires de la lettre, cités par le Monde, le groupe "ne mentionne pas" le risque climatique résultant de la hausse globale des émissions induite par ses activités.
Mais n’oublie pas en parallèle, de signaler des "demandes de la part de collectivités publiques de différents pays" pour "financer des mesures de protection à prendre en vue de limiter les effets du changement climatique".
1,5°C : le nouveau standard
La multinationale affiche pourtant un engagement contre le changement climatique. Elle a même été l’une des pionnières du secteur à travailler sur une stratégie compatible avec la trajectoire 2°C fixée par l’Accord de Paris. Mais le dernier rapport du GIEC concernant l’impact d’un réchauffement climatique à 1,5°C, semble avoir rappelé la fourchette haute de l’ambition de l’Accord signé lors de la COP21.
Total doit "se conformer à l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C afin de prévenir un emballement du système climatique", selon le communiqué. "Si Total ne corrige pas son plan de vigilance 2019, une action en justice avec mise en demeure pourrait être engagée."
Cette démarche s'inscrit dans un contexte de multiplication de plaintes déposées concernant le climat. En octobre, la justice néerlandaise a ordonné à l'Etat de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 25% d'ici à 2020. En mai, une dizaine de familles ont saisi la justice européenne pour que l'UE réduise davantage ses émissions de CO2. Mais l’issue de ses actions judiciaires est encore incertaine. Il y a quelques mois, la ville de New York qui avait porté plainte contre cinq pétroliers, a, elle, été déboutée.
Béatrice Héraud avec AFP