Publié le 28 septembre 2022

ÉNERGIE

Après les renouvelables, le gouvernement accélère sur le nucléaire : un agenda à marche forcée dénoncé par les ONG

Le gouvernement entend présenter courant octobre un projet de loi pour accélérer sur le nucléaire, deuxième pilier de la stratégie énergétique portée par Emmanuel Macron, avec les énergies renouvelables. L'objectif est de poser la première pierre du futur EPR avant 2027. Mais pour les ONG, ce calendrier ne tient pas compte du débat qui doit se tenir l'an prochain au Parlement sur l'avenir énergétique de la France. Elles dénoncent une parodie de consultation.

Centrale nucleaire de penly dieppe seine maritime LOU BENOISTAFP
La future première paire d'EPR 2 devrait voir le jour sur le site existant de Penly en Seine-Maritime.
LOU BENOIST / AFP

Après son projet de loi pour accélérer le développement des énergies renouvelables, présenté en début de semaine en Conseil des ministres, le gouvernement s’attaque au nucléaire, afin là-aussi de mettre les bouchées doubles. Il vient de soumettre à consultation un texte visant à faciliter la mise en route de six réacteurs de nouvelle génération sur les sites déjà existants, au travers d’une simplification des procédures administratives, sur le droit de l’urbanisme par exemple, ou du processus de dérogation au principe d’interdiction de destruction d’espèces protégées.

"Ces sites, on les connaît déjà d'un point de vue environnemental et d'un point de vue d'archéologie. On sait déjà qu'ils sont artificialisés et donc on peut se dire que nous pouvons aller plus vite sur les phases d'instructions administratives parce qu'on ne va pas apprendre des choses particulières", explique Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique. "C'est au fond, là aussi, une mesure de bon sens pour gagner du temps et faire en sorte de construire l'indépendance énergétique de notre pays", souligne-t-elle au micro d’Europe1.

"Une parodie de consultation"

Le gouvernement souhaite poser la première pierre d'un nouvel EPR2 avant la fin du quinquennat en 2027, pour une mise en service aux alentours de 2035, voire 2037. Les sites visés concerneraient d'abord Penly (Seine-Maritime) puis Gravelines (Nord). La troisième paire de réacteurs n'est pas tranchée, mais "la logique, en termes d'équilibre du réseau, serait qu'elle soit dans la vallée du Rhône", a indiqué le ministère. L’objectif est de présenter le texte en Conseil des ministres "dans le milieu du mois d'octobre".

Mais les ONG, parties prenantes de la concertation, dénoncent un calendrier à marche forcée. Elles doivent en effet se prononcer d’ici le 5 octobre prochain. "Le passage en force sous de faux prétextes d’urgence à court terme n’est pas acceptable", a dit Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui déplore "une parodie de consultation" et l'absence d'études d'impact environnemental. De son côté, Anne Bringault du Réseau Action Climat (RAC) dénonce "un dialogue environnemental complètement court-circuité sur ce sujet du nucléaire".

L'avenir du mix énergétique débattu en 2023

Un débat public va se tenir du 27 octobre au 27 février sur la construction des six futurs réacteurs. Et la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), portant sur la période 2023-2028, doit être débattue au Parlement et adoptée en 2023 dans le cadre de prochaine loi de programmation Energie-climat. Une concertation nationale sur la future stratégie française énergie-climat (qui inclut la PPE) doit également être lancée dans les prochaines semaines.

"Le gouvernement propose de lancer d’abord la construction de réacteurs et de s'interroger ensuite sur la stratégie qui doit nous mener à la neutralité carbone en 2050. Le monde à l’envers", s'emporte France Nature Environnement (FNE), qui rappelle que plusieurs scénarios sur les grands choix énergétiques possibles pour la France ont été dressés, par RTE et l'Ademe notamment. "Collectivement, étudions les différents scénarios possibles. Collectivement, décidons de notre avenir énergétique. Et ensuite, accélérons sa mise en œuvre", souligne, Arnaud Schwartz, le président de FNE.  

Dans un communiqué de presse publié le 27 septembre, la Commission nationale du débat public (CNDP) rappelle aussi qu'"EDF a saisi la CNDP de sa proposition d’un nouveau programme nucléaire dont le projet de construction de deux EPR sur le site de Penly" et que ce n’est "qu’au terme de ce débat public et en considération des observations et propositions du public que le gouvernement pourra soumettre au Parlement sa proposition de relancer un nouveau programme nucléaire".

Concepcion Alvarez @conce1 avec AFP


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