Ces dernières années, poussée par les pics de pollution à répétition et le scandale du dieselgate, l’administration française a mis en place des dispositifs pour pénaliser les moteurs thermiques les moins performants sur le plan environnemental. C’est ainsi que la vignette Crit’air a par exemple vu le jour. Elle discrimine les moteurs selon leurs niveaux d’émissions polluantes. Si, cette initiative a rencontré un vrai succès, l’IFPEN (Institut Français du pétrole – Énergie Nouvelle) estime qu’il faut aller plus loin et propose le déploiement d’une vignette Crit’air connectée.
"Les politiques de qualité de l’air sont efficaces mais il faut maintenant changer les comportements liés au transport", interpelle Gaëtan Monier, directeur du centre de résultats transport à l’IFPEN. Selon une étude menée par l’institut sur 7 véhicules et 26 conducteurs sur un même trajet, il a été mesuré que la manière de conduire influe massivement sur les émissions polluantes. Avec un comportement agressif (accélérations et freinages brusques, vitesse irrégulière…), l’IFPEN a enregistré des émissions supplémentaires de CO2 jusqu’à 20 %… et de NOx jusqu’à 400 % !
Noter la performance du conducteur
Aussi, l’institut propose de déployer une nouvelle vignette connectée qui reflèterait ces fluctuations. Au lieu de n’indiquer qu’un chiffre allant de 1 à 4 (du moins polluant au plus polluant) reflétant les caractéristiques du moteur, la vignette afficherait aussi une lettre allant de A à E pour indiquer la qualité de la conduite. "Le but est que la vignette comprenne une composante comportementale. Elle verrait sa couleur évoluer en fonction des performances du conducteur", explique Gilles Corde, responsable du programme logiciels et mobilité connectée.
Les conditions d’usage d’un véhicule ont de fortes conséquences sur les émissions de polluants #ecoconduite pic.twitter.com/Rfos8pmuCQ
— IFPEN (@IFPENinnovation) 3 octobre 2017
La vignette, par un système bluetooth et/ou RFID, communiquerait aussi avec le smartphone du conducteur pour lui apporter des conseils, ainsi qu’avec l’environnement urbain. L’IFPEN, qui développe ce projet entièrement en interne, entend proposer un prototype à la fin du premier semestre 2018. Une fois la démonstration technique faite, "nous échangerons avec le ministère en charge des transports et avec l’Ademe afin d’envisager un éventuel mode de déploiement. Cela pourrait être à une échelle globale, une échelle locale ou à travers des prescriptions d’acteurs clés comme des assureurs", explique Gilles Corde.
Une application déjà fonctionnelle
L’IFPEN ne part pas de zéro sur le sujet. L’Institut a déjà développé avec l’Ademe l’application "Geco Air" qui permet à chaque conducteur de recevoir des conseils en fonction de son mode de conduite et de réduire sa consommation. "L’application Geco Air est parfaitement fonctionnelle et repose sur le volontariat (plus de 4000 téléchargements). Nous voulons extrapoler ce succès avec la vignette connectée", explique Didier Houssin, président de l’IFPEN. "Il va falloir mûrir ce concept pour en faciliter l’acceptabilité sociale", ajoute-t-il.
Pour l’IFPEN, un tel outil de connectivité est une solution de transition en attendant le plein essor des véhicules non émetteurs de CO2 (l’interdiction des véhicules thermique est prévue pour 2040 en France). Aujourd’hui, le transport représente 55 % de la demande pétrolière en France, dont 25 % pour les véhicules individuels. Selon une étude de l’agence européenne de l’Environnement, les émissions de NOx, d’ozone et de particules fines sont responsables de 500 000 décès par an en Europe, "soit 20 fois plus que les accidents de la route", note l’IFPEN.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin