Publié le 5 juin 2017
Emmanuel Macron l’a répété tout au long de sa campagne, il veut refonder la vie politique en faisant davantage appel aux acteurs de la société civile. Mais c’est encore loin d’être évident pour les salariés du privé. Pour changer la donne, quelques entreprises mettent en place des dispositifs destinés à aider leurs collaborateurs à se lancer en politique.

"Au lendemain de la clôture du dépôt des candidatures, j’ai décidé d’accorder cinq jours supplémentaires d’absence, payés par l’entreprise, aux salariés candidats (titulaires ou suppléants) pour leur permettre de faire campagne", explique Jean-Paul Chiocchetti, directeur des Ressources Humaines de Michelin. Au sein du groupe, huit collaborateurs ont décidé de se lancer dans la course aux législatives, aux quatre coins de la France. Et deux salariés exercent déjà des mandats de conseillers départementaux.
"Notre convention les a sans aucun doute encouragés, témoigne le DRH, mais elle leur a surtout permis de pouvoir aménager leur temps de travail avec leur hiérarchie dans un cadre de bienveillance. Si nous voulons être mieux représentés dans les sphères politiques, il est de notre responsabilité d’aider nos salariés à accéder à des mandats électifs."
Garantie de retour à l’emploi
Michelin a été le premier en France à mettre en place une convention destinée à faciliter l’accès de ses salariés à des mandats électoraux. Ses dispositions vont au-delà du cadre légal. Par exemple, pour un mandat national, le salarié pourra bénéficier de 30 jours d’absence pendant la campagne contre 20 jours prévus par la loi. Si le salarié est élu, son contrat peut être suspendu quelle que soit son ancienneté. Et un retour à temps plein est garanti au terme du mandat dans tous les cas, au même niveau de responsabilité et de rémunération.
Saint-Gobain a suivi le même chemin. L’entreprise a déployé une "charte de l’engagement citoyen des collaborateurs" en juillet 2016 qui prévoit également un retour dans l’entreprise au terme de deux mandats maximum. En ce moment, un salarié est en campagne pour les prochaines législatives. Il bénéficie d’une suspension de son contrat de travail (d’une durée maximale de 3 mois) et il retrouvera son poste s’il n’est pas élu.
"Pour que le salarié soit dans un état d’esprit positif et confiant, nous devons nous occuper de son retour, explique Régis Blugeon, DRH France du groupe Saint-Gobain. Nous lui assurons que son mandat ne pourra porter atteinte d’aucune façon à sa carrière professionnelle, bien au contraire. Nous voyons son engagement d’un bon œil et comme une opportunité de développement. A son retour, nous prendrons en compte les nouvelles compétences qu’il aura acquises pour redéfinir sa place dans l’entreprise."  
Un atout pour l’entreprise
Si la présence de salariés du privé peut redonner un bol d’air à la politique, les entreprises elles aussi ont tout à y gagner même si cela suppose une certaine gymnastique organisationnelle. "Le salarié va développer de nouvelles compétences comme apprendre à parler en public, découvrir la complexité administrative, gérer des gros dossiers", raconte Alice-Anne Médard, DRH du groupe ADP (Aéroports de Paris), qui compte une dizaine de salariés engagés en politique.
"Globalement, nous pensons que tout ce qui permet de se tourner vers l’extérieur, d’avoir un regard décalé, une ouverture d’esprit est positif. Nous avons besoin d’avoir une variété d’acteurs engagés dans la vie publique. Les entreprises en font partie. Il est donc important qu’elles se fassent connaître et que leurs membres apparaissent dans la vie publique si l’on veut une société pluraliste", ajoute-t-elle.
Faire de la place là-haut
"C’est un premier pas que les entreprises facilitent l’engagement politique de leurs salariés mais si on ne leur laisse pas plus de place là-haut, ça ne sert à rien. Pour changer le pays, les salariés doivent pouvoir accéder aux mandats de parlementaires. Malheureusement, ces derniers considèrent trop souvent qu’ils sont élus à vie", regrette Edgar Added, président fondateur du Cercle de l’excellence RH et auteur du "Manifeste pour l’engagement citoyen des entreprises" publié en 2015.
Il vient de le renvoyer à toutes les équipes d’Emmanuel Macron, sur qui il fonde beaucoup d’espoirs. Au moment de la sortie de ce manifeste, plus de 2 000 exemplaires avaient été livrés en mains propres aux députés et sénateurs. En vain. "J’ai reçu beaucoup de mots de félicitations, de remerciements mais je n’ai pas décroché un seul rendez-vous" déplore Edgar Added.
Concepcion Alvarez @conce1

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