Le 13 octobre est une journée un peu particulière pour Paris. Le temps est calme, la Seine est tranquillement installée dans son lit, mais au milieu de la ville, dans le quatrième arrondissement, on s’agite. La ville de Paris a organisé “Paris inondé”, un exercice de crise grandeur nature pour simuler une crue record de la Seine. Habitants évacués, centre d’hébergement pour les secours, flash infos en boucle, cellule de crise à la mairie… les grands moyens ont été déployés pour faire face à ce que l’on appelle la crue centennale, un épisode majeur qui a une chance sur 100 de se produire chaque année. Dernier en date, la fameuse crue de 1910 qui a paralysé la capitale pendant plusieurs semaines. Depuis, la forte urbanisation et le changement climatique accroissent la probabilité de fortes crues.
“L’inondation est le risque naturel le plus fort pour Paris de par ses impacts, souligne Pénélope Komitès, adjointe à la maire en charge, notamment de la résilience. Toute la région parisienne et tous les arrondissements de Paris sont concernés.” Avec des répercussions humaines et économiques immenses. CCR, l’établissement en charge de la garantie sur les catastrophes naturelles, évalue le coût des pertes assurées en cas de crue centennale de 21 à 42 milliards d’euros dans 876 communes, dont 78% concerneraient les industriels, les commerçants et le secteur agricole. L’Institut Paris Région estime de son côté qu’un million de personnes vivent en zone inondable, auxquelles s’ajoutent plus d’1,8 millions d’habitants en zone de fragilité des réseaux d’électricité, de gaz, de chaleur ou d’assainissement. Près de 200 000 personnes recevraient ainsi un ordre d’évacuation de la Préfecture de Paris.
Un scénario pour sensibiliser les habitants
L’exercice du 13 octobre vise donc à préparer et sensibiliser les habitants à l’ampleur de la catastrophe naturelle. La ville de Paris a sollicité tous les acteurs concernés par une crue, aussi bien les services publics comme les sapeurs-pompiers, la protection civile, la Croix-Rouge, le Samu social, que les entreprises gérant les réseaux (Eau de Paris, Enedis, Orange, RATP, etc.), que les assureurs (France Assureurs, Axa, la Macif). Les habitants d’un immeuble du quatrième arrondissement, la librairie et la galerie au pied du même immeuble, ainsi qu’une classe de CM2 seront mis en situation. Ils seront transportés le 13 mars 2026, après trois mois de montée de la Seine.
Ce jour-là, un orage violent aggrave la crue. La Seine monte à 7,2 mètres au Pont d’Austerlitz à 10h, puis atteint le niveau de la crue centennale de 1910 à 20h, soit 8,62 mètres, avec une prévision à 9 mètres dans la nuit. De 8h30 à 17h30, les participants recevront les alertes sur téléphone, les ordres d’évacuation, ils seront regroupés dans le centre d’hébergement situé juste à côté de l’hôtel de ville.
Comment l’assurance cherche à réduire la facture des catastrophes naturelles
Les grandes entreprises aussi se préparent à la crue centennale. L’association des risk managers (Amrae), qui réunit les responsables des risques dans les entreprises, avait déjà participé à Sequana, le précédent exercice de crise en 2016. “Les entreprises sont sans doute un peu plus prêtes qu’en 2016“, remarque Benoît Vraie, le directeur scientifique de l’association. Elles ont eu le temps de travailler sur leurs plans de continuité d’activité, de nommer des personnes référentes ou encore de déplacer certaines données sensibles. Des banques, notamment, ont préféré placer leurs data centers en dehors des zones inondables.
Les entreprises négligent encore le risque psychologique
“Mais la préparation se fait toujours de manière un peu trop silotée, alors qu’il s’agit d’un risque systémique, prévient toutefois Benoît Vraie. Il y a tellement d’interdépendances, de connections entre les entreprises, le secteur public, les réseaux de transport, les réseaux de données, etc., que c’est difficile à appréhender“. D’autant que certaines entreprises ont pu préparer des plans de repli pour leur activité, mais beaucoup négligent le facteur psychologique et l’impact sur leurs salariés de la situation de crise. “Les collaborateurs peuvent être confrontés à titre personnel à des coupures d’électricité, d’eau potable, etc., souligne l’expert. Il faut que les entreprises aillent au-delà de la sécurisation de l’entreprise, pour sécuriser aussi les salariés.”
Les PME sont en revanche plus difficile à mobiliser. La chambre de commerce de Paris mène toutefois des actions de sensibilisation auprès d’elles. Elle participera notamment à l’exercice Hydros 25, organisé par la préfecture de Paris et qui se tiendra toute la semaine à la suite de la journée du 13 octobre. A la suite des exercices Paris Inondé et Hydros 25, des retours d’expérience seront réalisés pour voir les points d’amélioration à apporter.
Cet exercice grandeur nature de sensibilisation à la crue ne doit toutefois pas faire oublier les autres risques naturels majeurs qui pèsent sur la région. “Qu’en est-il de la préparation à l’étiage de la Seine ou des autres fleuves ? De nombreuses entreprises sont également en risque si le débit de la Seine n’est plus suffisant“, prévient Benoît Vraie. Selon le directeur scientifique de l’Amrae, la sécheresse et la canicule demeurent encore des angles morts de la gestion des risques des entreprises.