Publié le 7 juillet 2025

Alors que la guerre des terres rares fait rage partout dans le monde, la France semble avoir trouvé la solution. Faute de mines en service, elle mise sur le recyclage. Plusieurs projets sont en cours sur le territoire, dont celui de la société Carester, qui vient d’inaugurer une usine de recyclage et de raffinage dans les Pyrénées-Atlantiques. C’est le premier épisode de notre série consacrée au recyclage.

Dysprosium, terbium, néodyme, praséodyme… Ces noms ne vous disent certainement pas grand-chose. Ce sont des métaux issus de la tant convoitée famille des terres rares, présents tout autour de nous dans beaucoup d’objets du quotidien, car ils entrent dans la composition des aimants que l’on appelle permanents. Les batteries de nos smartphones, de nos trottinettes, ou de nos voitures électriques, en contiennent. Et sans eux, notre transition écologique n’aurait pas lieu, car nos éoliennes en renferment également.

La France a bien conscience que ces terres rares sont devenues incontournables pour mener à bien sa transition. Avec l’appui de l’État français grâce à un investissement de 106 millions d’euros, Caremag, filiale de Carester, a posé en mars dernier, la première pierre de son usine de recyclage et de raffinage de terres rares à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques. Avec une mise en route prévue pour la fin de l’année 2026, l’entreprise a pour ambition de recycler 2 000 tonnes d’aimants et de raffiner 5 000 tonnes de concentrés miniers.

Un enjeu stratégique

“Cette unité industrielle deviendra le premier recycleur européen de terres rares et le plus gros producteur de terres rares lourdes séparées avec 600 tonnes d’oxydes de dysprosium et terbium” – soit 15% de la production mondiale actuelle -, détaille Caremag, dans un communiqué de presse. Son président, Frédéric Carencotte, y voit “une avancée majeure vers l’indépendance de l’Europe en terres rares pour les aimants permanents”. La Chine domine aujourd’hui le marché. L’Empire du milieu assure notamment 92% du raffinage des terres rares pour les aimants permanents, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Et même quasiment 100% de leur extraction. Ce qui crée quelques tensions sur le marché, notamment depuis que Donald Trump s’est lancé dans une guerre commerciale avec Pékin. Début avril, la Chine a annoncé un contrôle des exportations sur sept terres rares lourdes, dont le dysprosium et le terbium.

Alors la France n’a pas d’autre choix que de se tourner vers le recyclage. “C’est aujourd’hui notre seule issue”, nous explique Olga Kergaravat, coordinatrice scientifique et technique sur les métaux, métaux stratégiques, batteries et aimants permanents, à l’Ademe. “La France, et plus largement l’Europe, ont pris conscience de leur manque de souveraineté et surtout de la nécessité d’acquérir au moins partiellement cette souveraineté par le biais du recyclage”, précise cette spécialiste. L’autre solution serait d’ouvrir des mines sur le territoire national. Une ambition que ne cache plus d’ailleurs le gouvernement avec le lancement récent d’un inventaire des potentiels gisements de minerais stratégiques, confié aux équipes du BRGM. À l’échelle européenne, avec l’adoption en 2023 d’un règlement sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act, CRMA), Bruxelles entend réduire sa dépendance envers des pays tiers, tout en organisant une réponse minière au niveau des 27 pays membres. Dans ce texte, il est d’ailleurs indiqué qu’à l’horizon 2030, l’objectif est d’utiliser des aimants fabriqués en Europe, dont 25% seraient issus du recyclage.

Un impact environnemental moins lourd

Et c’est bien pour éviter de creuser un peu plus notre croûte terrestre que Caremag s’est lancé dans le recyclage. Constatant qu’“on extrait tous les jours des terres rares alors que l’on en rejette tout autant”, Frédéric Carencotte assure : “il faut trouver d’autres solutions qu’uniquement la mine. Opter pour le recyclage est aujourd’hui la solution la moins invasive, polluante et énergivore, quand on la compare à l’extraction minière”. Interrogée pour Novethic il y a quelques mois, l’autrice de “La ruée minière au XXIe siècle”, Celia Izoard, avait rappelé la réalité de l’industrie minière. “Ses techniques sont grosso modo les mêmes où qu’elle se trouve, et il n’y a pas beaucoup de marges de manœuvre pour la transformer. Par exemple, elle va de toute façon produire de très gros volumes de déchets toxiques qu’il faudra stocker pour des siècles, et consommer énormément d’eau”, avait-elle expliqué.

Dans un esprit d’économie circulaire, l’approvisionnement de l’usine de Caremag proviendra donc de trois sources différentes. Il y aura à long terme les aimants en fin de vie issus de batteries de voitures électriques. En attendant que le parc de véhicules électrique se renouvelle, l’entreprise fera aussi appel aux chutes de production lors des découpes d’aimants des fabricants d’aimants et aux résidus de production. “Moins d’un 1% des déchets d’aimants à base de terres rares en Europe sont récupérés, alors qu’ils représentent une ressource importante à faible empreinte carbone”, précise le président de Caremag. Et jusqu’à aujourd’hui ces chutes partaient en Chine pour être recyclées. Avec 92 emplois à la clé, l’usine veut également limiter son impact environnemental, garantissant qu’aucun rejet d’effluents liquides en continu ne sera émis dans le milieu naturel, ou encore que 80% des émissions directes de CO2 seront recyclées à travers le procédé de fabrication. Pour Frédéric Carencotte, “il n’est pas responsable aujourd’hui de monter une usine neuve qui ne respecte pas les meilleurs standards environnementaux”.

L’entreprise a trouvé des partenaires à long terme, comme Stellantis. Le constructeur automobile s’est d’ores et déjà engagé pendant dix ans à acheter une partie de la production, tandis que 50% de celle-ci sera destinée aux partenaires et investisseurs japonais de Caremag. A noter que Carester n’est pas la seule entreprise sur ce secteur, la France compte d’autres projets industriels pour structurer cette filière du recyclage des aimants permanents, comme Solvay, Daimantel ou encore MagrEEsource.

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