Près de 13% de la population française est en situation de privation matérielle en France, c’est ce que révèle une récente note publiée par l’Insee à partir des données de 2024. Depuis 2013, ce taux aura donc augmenté de près 8,5%, et désormais ce sont près de 8,6 millions de personnes qui déclarent ne pas pouvoir couvrir leurs dépenses liées à au moins cinq éléments de la vie : chauffer son logement à la bonne température, manger un repas protéiné (végétarien ou non) tous les deux jours, accéder à Internet depuis son domicile ou se réunir avec des amis autour d’un verre ou d’un repas au moins une fois par mois.
Au total, 45% des Français déclarent ainsi devoir se priver sur au moins une dépense essentielle de la vie quotidienne. C’est notamment le cas ces dernières années des dépenses énergétiques : en 10 ans, le taux de personnes déclarant ne pas pouvoir chauffer leur logement correctement a pratiquement doublé, face notamment à la hausse des prix de l’énergie. D’après le Médiateur de l’énergie, 1,2 million de ménages se sont ainsi retrouvés en situation d’impayé sur leur facture énergétique en 2024, un taux au plus haut depuis une décennie.
Pauvreté, précarité, inégalités
Ces chiffres sont les derniers indicateurs d’une tendance de fond mise en lumière par plusieurs rapports ces dernières années. En 2024, l’Insee montrait ainsi que le nombre de personnes en situation de pauvreté était à son plus haut niveau depuis les années 1990, avec plus de 9 millions de pauvres dans le pays, soit 14,4% de la population. Concrètement, le niveau de vie médian des pauvres n’a augmenté que de 60 euros depuis 20 ans, et se stabilise à à peine 832 euros par mois. Il y a quelques semaines, l’Observatoire des inégalités pointait lui aussi dans son rapport annuel cette “montée lente de la pauvreté”, notamment concentrée dans les grandes villes. Il rappelait également que la précarité matérielle et sociale et la pauvreté touchent massivement les plus fragiles : les familles monoparentales (surtout les femmes), les personnes issues des banlieues et des quartiers prioritaires de la ville, ainsi que les demandeurs d’emploi…
Une crise qui est également celle de la hausse des inégalités : face à la stagnation des revenus des plus pauvres, ceux des 10% les plus riches n’ont au contraire cessé d’augmenter depuis 30 ans, captant une part croissante de la richesse créée (passant de 22,2 à 24,4%).
Le travail plus précaire, les politiques sociales en question
Si les personnes éloignées de l’emploi sont les plus touchées par la précarité et la pauvreté, le monde du travail est aussi affecté par la crise. Dans une publication récente, l’Observatoire français des conjonctures économiques montre ainsi que “malgré la baisse du taux de chômage observée depuis 2015, ni le taux de pauvreté monétaire ni le taux de privation matérielle et sociale n’ont baissé” en France. En quelques décennies, le taux d’emplois précaires a ainsi plus que doublé en France, passant de 7 à 16%, contribuant à une hausse significative du nombre de travailleurs pauvres dans le pays, qui sont désormais près de 2 millions.
Cette hausse de la précarité et de la pauvreté interroge, alors que ces dernières décennies, les grands indicateurs économiques se sont plutôt améliorés : depuis 2015, le PIB du pays a en effet augmenté de plus de 35%, et le chômage a baissé de 3 points de pourcentage. Dans un récent rapport, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, montre qu’une partie de l’explication tient à la nature des politiques sociales menées ces dernières années : des politiques qui ont flexibilisé l’emploi et développé des emplois mal rémunérés, diminué le montant des prestations sociales, de l’indemnisation du chômage ou des pensions de retraites, et qui donc affectent les revenus des plus modestes. De son côté, la Dares (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) calcule dans une note publiée en avril que les dépenses publiques visant à soutenir les revenus des demandeurs d’emploi et leur formation pour retrouver un emploi durable suivent une tendance à la baisse, là aussi affectant la capacité des individus à sortir de la pauvreté.
Austérité budgétaire : la société civile alerte sur les reculs sociaux et environnementaux
Des données qui confirment que l’austérité budgétaire et les politiques de flexisécurité contribuent généralement à une hausse de la précarité globale… Comme le rappelait il y a quelques jours la société civile, qui se mobiliser pour un renouveau des politiques sociales françaises.