Les débats ont été houleux cette semaine dans les instances européennes, alors que s’ouvrait lundi 10 mars en session plénière la discussion autour du paquet omnibus de simplification du Green Deal. Portée par la Commission européenne, cette législation visant à modifier sensiblement plusieurs normes liées à la transition écologique et sociale en Europe (dont la CSRD, la directive sur le reporting de durabilité, et la CS3D, sur le devoir de vigilance européen) suscite depuis plusieurs semaines la controverse. Elle doit être examinée dans les prochaines semaines par l’ensemble des instances européennes dans le cadre d’un trilogue législatif. Les premiers échanges entre les groupes parlementaires montrent déjà les fractures qui se dessinent.
D’un côté, les députés socio-démocrates, de gauche et écologistes, et même ceux du groupe Renew ont appelé à maintenir les ambitions du Green Deal et ont invité l’Europe à prendre le temps de mettre en œuvre une discussion autour d’une “simplification rationnelle”. En face, le Parti populaire européen (PPE, de droite), premier parti au Parlement, s’est positionné en “fer de lance de la simplification” en appelant à pousser plus loin les mesures. L’extrême-droite, quant à elle, estime l’omnibus “insuffisant”.
Stop the clock : vers une procédure accélérée pour reporter les textes ?
Les débats parlementaires autour de l’omnibus pourraient donc prendre des mois, ce qui provoque d’ores et déjà une grande incertitude parmi les entreprises potentiellement soumises à la CSRD et au devoir de vigilance européen. Les conservateurs poussent pour accélérer les choses : le représentant suédois du PPE Tomas Tobé a ainsi annoncé que son groupe parlementaire demandait la mise en œuvre d’une procédure d’urgence, pour acter notamment un dispositif “stop the clock” visant à reporter d’une à plusieurs années l’entrée en vigueur de la CSRD et du devoir de vigilance, comme l’a proposé la Commission dans son projet omnibus.
La mise en place d’une procédure d’urgence sera ainsi soumise au vote lors de la prochaine session plénière le 1er avril prochain. Si elle était confirmée, ce qui semble probable étant donné le rapport de force au Parlement, les débats parlementaires devraient alors être réalisés durant la même session plénière. Objectif : mettre au vote le plus rapidement possible la proposition de report de deux ans de la CSRD et d’un an pour le devoir de vigilance. Le reste des propositions de la Commission resteraient soumises, pour l’instant, à une procédure ordinaire.
Face à cette volonté d’accélération, les Socio-démocrates, la gauche et les Verts ont en tout cas dénoncé la volonté du PPE d’“avancer à la cowboy”. “C’est une croisade idéologique, sans preuves réelles et sans consultation, pour pousser une proposition extrême qui vise à couper radicalement les standards sociaux et environnementaux“, a commenté en session plénière Lara Wolters, eurodéputée socio-démocrate et rapporteuse de la directive sur le devoir de vigilance des multinationales. “Vous parlez de simplifier, mais vous ne simplifiez pas, vous prenez l’autoroute de la dérégulation”, a lancé de son côté l’eurodéputée française écologiste Marie Toussaint, dénonçant la destruction des acquis législatifs de la précédente mandature en matière écologique et sociale.
Une alliance droite-extrême droite contre le Green Deal
Pour avancer plus rapidement sur la remise en question du Green Deal, le PPE a également annoncé être “ouvert à travailler avec tous les groupes” au Parlement européen. Un appel du pied à peine voilé aux trois groupes d’extrême-droite, notoirement opposés au normes environnementales et qui comptent près de 190 députés. Une alliance entre le PPE et l’extrême-droite sur les négociations de l’omnibus permettrait ainsi aux conservateurs de dégager une quasi majorité au Parlement, et signifierait certainement un affaiblissement encore plus substantiel du Green Deal.
Les parlementaires d’extrême-droite n’ont en effet pas caché leur objectif de démantèlement du Green Deal, assumant même une rhétorique aux accents trumpistes au Parlement. “Couper, couper, couper et encore couper”, a ainsi lancé Tobiasz Bocheński, député du groupe polonais d’extrême-droite ECR, appelant à mettre les règlementations du Green Deal “là où elles devraient être, c’est-à-dire à la poubelle”, tandis que l’eurodéputé nationaliste polonais Marcin Sypniewski réclamait une dérèglementation “à la tronçonneuse, pas au coupe-papier.”
Parallèlement se tenaient ces derniers jours les premières discussions au Conseil européen sur le sujet. Des discussions au cours desquelles Andrzej Domanski, ministre des finances polonais, a également insisté sur “l’urgence du stop the clock”. Plusieurs pays européens ont également affiché leur volonté d’accélérer la dérégulation. Marc Ferracci, ministre français de l’industrie, a ainsi appelé l’Europe à “aller plus loin” sur les modifications du Green Deal, et à “mettre en œuvre une procédure accélérée”, quand le Danemark a évoqué “une réduction de 60 à 70% des obligations de reporting.” Si les débats sont encore loin d’être clos, notamment sur les contours des modifications à mettre en œuvre, les choses pourraient donc s’accélérer dans les prochaines semaines, notamment à partir de la prochaine session plénière du Parlement en avril… Sans que l’on sache pour l’instant jusqu’où ira la remise en cause du Green Deal.
Mise à jour le 13 mars 2025 à 14 h 30 : ajout des derniers développements sur l’agenda du Parlement