Publié le 18 janvier 2025

Le transport aérien au départ de l’Europe explose depuis la crise sanitaire. Et ses émissions aussi. Pour y faire face, le secteur s’apprête à augmenter la part des carburants alternatifs pour faire voler ses avions, conformément aux objectifs de l’UE. Une stratégie dont les résultats pourraient être fortement affaiblis si le trafic n’est pas maîtrisé.

Il pourrait s’agir d’un record. Dans ses dernières projections, l’Association du transport aérien international (IATA) estime à plus de cinq milliards le nombre de passagers qui pourraient être transportés par les airs en 2025. Cela représente une hausse de 17% par rapport à 2023, pour un chiffre d’affaires total, fret et voyageurs compris, dépassant les 1 000 milliards de dollars. Ces chiffres, notamment dopés sur le continent européen par l’offre des transporteurs low-cost, marquent un retour aux tendances pré-Covid pour l’industrie de l’aviation.

Une croissance qui ne devrait pas montrer de signes de ralentissement dans les prochaines décennies. Une étude, publiée par Transport & Environment (T&E) le 13 janvier dernier, estime que le trafic aérien au départ de l’Union européenne pourrait être multiplié par deux d’ici 2050, par rapport à 2019. En conséquence, le secteur pourrait voir sa consommation de carburant augmenter de 59%, et ce “malgré les améliorations de l’efficacité énergétique”.

Fraude à l’huile de palme et processus énergivores

Pour l’ONG, la hausse du trafic remet en question les stratégies de décarbonation portées par les transporteurs aériens dans la lignée des objectifs définis par l’UE. Ces derniers prévoient que tous les vols au départ du territoire européen intègrent une part minimale de carburants aériens durables (SAF), de 2% à partir de 2025, jusqu’à 70% en 2050. Mais cela pourrait ne pas suffire à impulser une véritable diminution des émissions de CO2 du secteur. Car même si les compagnies misent sur une montée progressive de l’utilisation de SAF, le transport exponentiel de passagers devrait les pousser à brûler encore 21 millions de tonnes de kérosène en 2050… soit autant qu’en 2023.

De plus, de nombreuses interrogations persistent quant aux impacts liés à la production de SAF, qu’il s’agisse de biocarburants, sur lesquels pèsent des soupçons de fraude à l’huile de palme, ou de carburants de synthèse, aussi appelés e-kérosène, dont les besoins s’élèveraient à plus de 24 millions de tonnes en 2050. Très énergivore, le processus de fabrication de ce type de combustible nécessiterait une quantité d’électricité “supérieure à la demande électrique actuelle de l’Allemagne” pour atteindre ce volume, note par exemple T&E.

960 millions de tonnes de CO2 supplémentaires

Les SAF représenteraient ainsi “une solution de décarbonation de l’aérien seulement si le niveau de trafic est maîtrisé” alertent les auteurs du rapport. Sans cela, “la croissance effrénée du secteur annulerait les réductions d’émissions permises” par ces mesures. D’après les calculs de T&E, les émissions du secteur ne diminueraient que de 3% en 2049 par rapport aux niveaux enregistrés en 2019. Un résultat bien loin de l’objectif “zéro nette émission” en 2050 porté par l’Union européenne. Au total, 960 millions de tonnes de CO2 supplémentaires pourraient être émises entre 2023 et 2050, par rapport aux estimations de l’UE.

“Les plans de croissance de l’industrie aéronautique sont en totale contradiction avec les objectifs climatiques de l’Europe, regrette dans un communiqué Jérôme du Boucher, responsable aviation de T&E France. Un changement de paradigme et un véritable leadership en matière de climat sont nécessaires dès maintenant pour résoudre le problème.” Transport & Environment appelle pour cela à la mise en place de “politiques concrètes”, afin de limiter la croissance du trafic aérien, et par extension, son empreinte carbone.

Sont évoquées l’interdiction des projets d’extension des aéroports européens et la taxation du kérosène utilisé pour propulser les avions. Les recettes obtenues seraient alors consacrées au financement du développement des carburants alternatifs les plus durables, comme le e-kérosène. T&E encourage également à “maximiser le potentiel climatique du rail”, au travers de l’amélioration des réseaux ferroviaires, de la billetterie et de la concurrence. Des mesures essentielles, selon l’association, si l’UE souhaite maintenir ses ambitions climatiques.

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