Publié le 17 janvier 2025

Alors qu’il est extrêmement difficile de mesurer l’impact économique du changement climatique, plusieurs études récentes sont moins prudentes et estiment que le PIB mondial pourrait être amputé de 22 à 50% d’ici la fin du siècle. Les entreprises pourraient perdre jusqu’à 25% de leurs bénéfices d’ici 2050.

C’est une nouvelle étude choc sur les pertes économiques que le changement climatique pourra provoquer, si la tendance actuelle se poursuit. Publiée le 7 janvier dernier, par le Boston consulting group (BCG), en partenariat avec le Forum économique mondial, elle estime qu’entre 5% et 25% des bénéfices des entreprises seront menacés par les risques matériels du changement climatique d’ici 2050.

Plus globalement, dans un scénario à +3°C degrés de réchauffement, le PIB mondial pourrait perdre jusqu’à 22% de sa valeur d’ici 2100, comparé à un scénario où des mesures efficaces seraient mises en place pour contrer le changement climatique. C’est 10 à 15% de plus que dans un scénario de réchauffement limité à +2°C, tel que cela est prévu par l’Accord de Paris. A contrario, si “seulement” 3% du PIB cumulé était orienté pour financer l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, cela pourrait éviter de 10 à 15% des pertes d’ici la fin du siècle.

Productivité, rendements, dégâts

Le changement climatique aura des impacts “en cascade”, note le rapport. Concrètement, il réduira la productivité au travail en raison des événements extrêmes et notamment de la chaleur. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), d’ici 2030, le stress thermique à lui seul pourrait réduire les heures de travail à l’échelle mondiale de 2%. Les rendements agricoles seront en baisse tandis que les dégâts sur les infrastructures et les biens se multiplieront et que les écosystèmes, qui représentent parfois des ressources vitales dans certaines économies, déclineront.

Plusieurs exemples sont mis en exergue. En Chine, dans la région du Sichuan, la production hydroélectrique a chuté à environ 20% de sa capacité habituelle en 2022 en raison d’une sécheresse, forçant Toyota et Foxconn à interrompre la production dans leurs usines, tandis que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement se sont étendues à Tesla et SAIC Motor. En 2021, en Allemagne, de fortes inondations ont infligé 1,4 milliard de dollars de dommages aux voies, ponts, gares et autres actifs de l’opérateur ferroviaire Deutsche Bahn.

Deux années d’incendies de forêt en Californie ont conduit au dépôt de bilan en 2019 de PG&E (Pacific Gas & Electric Company), l’entreprise de services publics déclarant faire face à un passif de 30 milliards de dollars. Elle est considérée comme la première entreprise ayant fait faillite en raison du changement climatique. Autre exemple, avec les inondations historiques de 2011 en Thaïlande, qui ont déplacé des millions de personnes et fait 800 morts. Elles ont également dévasté un corridor industriel clé et ont gravement perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales. Toyota a estimé que ses bénéfices d’exploitation ont été réduits d’environ 1,6 milliard de dollars au cours de l’année.

“Insolvabilité planétaire”

Les experts constatent que les entreprises qui agissent pour limiter les impacts du changement climatique pourraient voir leurs investissements dans ces stratégies rapporter entre 2 et 19 dollars pour chaque dollar investi. Le marché des technologies vertes est ainsi estimé à 14 000 milliards de dollars d’ici 2030, contre 5 000 milliards en 2024, porté par l’énergie (49%), le transport (16%) et les biens de consommation durables (13%). “Tout autant de secteurs qui connaissent une croissance bien supérieure au PIB, à des taux annuels allant de 10% pour les biens de consommation à 20% pour les énergies propres”, indique le rapport.

Le problème, c’est que les entreprises peinent encore à intégrer ces pertes dans leurs analyses et prévisions financières. “Si la plupart des entreprises sont conscientes des risques climatiques, elles peinent à les traduire en impacts commerciaux mesurables”, note Amine Benayad, directeur associé au BCG. “Dans de trop nombreuses entreprises, les risques climatiques sont perçus à tort comme un simple sujet de conformité. Les entreprises les plus avancées les considèrent d’un point de vue financier pour éclairer leur stratégie, leur gestion des risques et leur assurance de divulgation aux plus hauts niveaux”, complète Sarah Barker, directrice générale de Pollination Law, coprésidente de la communauté d’experts en gouvernance climatique du Forum économique mondial.

Les décideurs politiques ne sont pas mieux armés. Un autre rapport publié jeudi 16 janvier par l’Institute and Faculty of Actuaries (IFoA), experts en gestion des risques, et dévoilé par The Guardian, est encore plus catastrophiste. Il calcule quant à lui que la croissance économique mondiale pourrait chuter de 50% entre 2070 et 2090 en raison des chocs catastrophiques du changement climatique. Selon ces experts, les évaluations pour mesurer les effets économiques du réchauffement climatique sont “erronées” car elles ignorent les effets graves attendus comme les points de bascule, l’élévation de la température de la mer, les migrations et les conflits résultant du réchauffement climatique. Pour eux, le monde va être confronté à un risque croissant d’“insolvabilité planétaire”, avec des écosystèmes qui ne pourraient plus rendre les services essentiels (eau, nourriture, énergie, ressources). Et il est urgent que les décideurs politiques mettent en œuvre des approches “réalistes et efficaces” pour gérer ce risque à l’échelle mondiale.

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