Le budget proposé par le gouvernement de Michel Barnier ne les satisfaisait pas forcément. Mais le vote de la motion de censure et la démission consécutive du gouvernement, les inquiètent franchement. Les milieux économiques et financiers craignent la période d’incertitude qui s’ouvre – une nouvelle fois – pour les prochains jours, avant de savoir comment le futur gouvernement sera composé et quand la discussion sur le budget pourra reprendre. Moody’s, l’agence de notation de crédit qui avait mis la note de la France en perspective négative en octobre, déclare ainsi que la chute du gouvernement va réduire “la probabilité d’une consolidation des finances publiques” du pays. Un premier mauvais signal.
Le mouvement Impact France appelle dès lors à “une transition rapide et apaisée pour préserver un minimum de stabilité économique“. L’organisation patronale co-présidée par Julia Faure, la cofondatrice de Loom, et par Pascal Demurger, directeur général du groupe Maif, veut pouvoir agir pour soutenir la transformation durable des entreprises. Elle insiste ainsi sur “la nécessité de relancer rapidement les discussions budgétaires pour adopter des solutions de bons sens en réponse aux défis que traversent le pays et le monde économique“.
L’ESS contre le budget 2025
Les organisations patronales plus traditionnelles, de leur côté, ne masquent pas leur colère. François Asselin, président de la CPME, écrit ainsi sur X : “et si les émoluments des députés étaient suspendus après avoir fait tomber le gouvernement ? Ainsi ils réaliseraient les conséquences de leurs actes comme risquent de le subir les entrepreneurs et leurs salariés“. La CPME avait appelé dès lundi les députés à ne pas faire tomber le gouvernement, craignant “une nouvelle période d’instabilité et un nouvel arrêt de l’économie qui tourne déjà au ralenti“. Patrick Martin, le président du Medef, espère que la France retrouvera rapidement “de la visibilité avec un gouvernement qui devra établir la confiance et tracer une trajectoire économique crédible“.
Les organisations sectorielles ont également réagi à la démission du gouvernement, en mettant en avant les intérêts de leur profession. ESS France, l’organisation qui regroupe les entreprises de l’Economie sociale et solidaire, fait ainsi entendre une voix dissonante parmi les organisations patronales. Les entreprises de l’ESS avaient en effet été particulièrement virulentes contre le projet de budget du gouvernement qui menaçait de réduire les crédits publics pour le secteur. “Le scénario de la reconduction du budget 2024 est bien meilleur que celui de 2025 avec sa double lame des coupes nationales se répercutant au niveau local, estime ainsi Benoît Hamon, le président d’ESS France. Avec ce texte, ce sont 186 000 emplois menacés en France sur les 2,4 millions de salariés de l’économie sociale et solidaire.”
La finance durable attend Bruxelles
Les professionnels de la finance solidaire, au contraire, militait auprès du gouvernement pour rendre plus strict l’agrément des entreprises de l’ESS, que ses membres financent. “L’association s’était mise en ordre de marche pour tenter de conserver l’exigence de l’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale), explique Patrick Sapy, directeur de l’association FAIR, qui gère le label Finansol. En effet, le champ de la réduction fiscale pour l’investissement dans ces entreprises (IR-PME-ESUS) avait été élargi en 2024 à un domaine d’activité, qui selon nous, ne relève pas de l’utilité sociale. L’absence de Loi de Finances pour 2025 ne permet donc pas de revenir à la situation antérieure à 2024 et risque de continuer à favoriser des réductions d’impôts pour des mauvaises raisons”.
Du côté de la finance durable, les retours en arrière du gouvernement Barnier sur certains textes réglementaires, comme la CSRD, ont laissé des traces. “L’hypothèse d’une grande coalition progressiste en France n’est pas très probable“, déplore Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l’investissement responsable (FIR). Les investisseurs durables préfèrent tourner leurs regards vers Bruxelles avec, là aussi, une certaine appréhension sur l’avenir du Green deal, le pacte vert européen censé mettre l’Europe sur la voie de la neutralité carbone. “Un détricotage de la CSRD et de la CS3D (directive sur le devoir de vigilance européen, NDR) serait très dommageable aux ambitions de l’Europe, reprend Grégoire Cousté. Là encore, l’omnibus annoncé mais dont on ne connaît pas la philosophie précise est une incertitude supplémentaire…“