Publié le 5 décembre 2024

C’est une crise politique majeure. Pour la première fois depuis 1962, un gouvernement est renversé par une motion de censure. Mais l’air du temps est profondément différent. Le nœud de la crise concerne les budgets de la Sécurité Sociale et de l’Etat français en période de vaches maigres et d’explosion de la pauvreté. La France est donc exposée, en même temps, à deux dangers, un risque social et un risque de désaffection des investisseurs qui doivent lui acheter sa dette pour financer son déficit.

“Il y a 1,4 million de pauvres de plus qu’il y a 20 ans”, affirme le rapport de l’Observatoire des Inégalités 2022/2024 qui vient de sortir. Celui-ci rappelle que “vivre avec moins d’argent c’est faire face à des privations dans tous les domaines”. “Cela veut dire par exemple ne pas pouvoir épargner, ne pas faire des repas équilibrés tous les jours et avoir des difficultés pour se chauffer ce qui est le cas de 12 % de la population”. Ce travail de compilation des données doit tenter de faire bouger les lignes dans un pays comme la France où plus de 10 millions de personnes seraient en situation de pauvreté.

La gauche, qui a déposé la motion de censure, demande, depuis les élections législatives de juillet, que les inégalités sociales soient mieux combattues en taxant les ultra-riches et les multinationales pour mieux répartir les richesses. La question ouverte est de savoir si le ou la personne qui succèdera à Michel Barnier choisira cette voie ou emboitera le pas de son prédécesseur. Début octobre, celui-ci défendait ainsi sa stratégie d’économie de 60 milliards d’euros sur le budget 2025 : “Il faut prévenir la crise financière qui est devant nous pour protéger les plus faibles, en particulier les épargnants.”

Embrasement

Toutes ses difficultés sont résumées dans cette phrase. La partie des Français qui épargnent massivement et pourraient être impactés par une crise financière ne sont pas les plus faibles. Le plus pauvres n’ont pas ou très peu d’épargne. Ils se sont en revanche sentis visés par le message sur les sacrifices nécessaires à travers l’accès aux services publics hospitaliers ou éducatifs.

La crise financière évoquée par Michel Barnier est loin d’être écartée. L’analyse de Bloomberg mercredi soir était implacable : “la fin du gouvernement Barnier entraine une nouvelle vague d’instabilité pour les investisseurs européens qui met à mal leur monnaie commune et augmente les primes de risques de la dette. Les actions françaises ont terminé leur pire année depuis 2010 et les coûts d’emprunts de la France ont grimpé au plus haut de la dernière décennie.”

La conjugaison d’une crise économique avec l’accumulation de plans de licenciements massifs, sociale avec les mouvements de grève en cours et financière autour de la dette de la France, ne peut être exclue. Cette crise multi-facettes achèverait de rompre le lien entre les Français et leurs représentants politiques à qui ils demandent d’améliorer leur sort. Les indicateurs dans ce domaine sont au rouge et si le prochain gouvernement élude encore la question d’une fiscalité et d’une transition plus juste, un embrasement plus puissant que le mouvement des Gilets jaunes, est à redouter.

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