L’annonce de mauvais résultats dans une entreprise cotée se traduit en général par une correction de son cours de bourse. Mais depuis quelques mois, la correction prend des allures de véritable châtiment. Worldline révise ses objectifs de croissance le 25 octobre 2023 ? Son action chute de 59,2%. Alstom, quelques jours plus tôt, publie une alerte sur ses résultats ? Le cours dégringole de 37,6%. Pareil pour Teleperformance qui perd près de 17% en une séance, ou Sanofi qui chute de 18,9% le 27 octobre 2023… Une étude de l’Autorité des marchés financiers (AMF) s’est penchée sur ce phénomène récent qui a touché plusieurs entreprises afin d’en comprendre les raisons et les conséquences.
Le constat initial est en effet frappant. Selon l’étude, “les variations boursières s’établissant en dessous de -10% ont été plus fréquentes en 2023 que les années précédentes, à l’exception notable du début de la crise sanitaire Covid19, survenue en 2020“. Le seuil du phénomène de décrochage boursier a ainsi été abaissé en quelques années. En 2013, les chutes les plus importantes ne dépassaient “que” le seuil de 6,9%, dix ans plus tard, elles tombent donc encore plus bas. Et les entreprises subissant un tel décrochage ne s’en remettent pas, leur cours de Bourse reste durablement affecté et ne remonte pas.
Un phénomène généralisé
Et le phénomène ne touche pas que la France. Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, partout les décrochages boursiers ont été plus forts depuis 2022 que lors des années précédentes. Ces fortes amplitudes ont causé quelques remous parmi les acteurs du marché. Est-ce le fruit d’un dysfonctionnement ? Est-ce que la très forte concentration du marché sur quelques valeurs phares, comme les Magnificent Seven aux Etats-Unis (Nvidia, Amazon, Microsoft, Alphabet, Meta, Apple et Tesla) et les Granolas en Europe (Astra Zeneca, GSK, Novo Nordisk, Novartis, Roche, Sanofi, ASML, Nestlé, L’Oréal, LVMH, SAP) ? Doit-on s’en inquiéter ?
L’explication apportée par l’AMF à ce phénomène récent est multiple. La poignée de grandes entreprises des Magnificent Seven et des Granolas représente la majeure partie des performances financières sur les marchés. En contrepartie, celles qui ne font pas partie du “happy few” sont plus rapidement délaissées en cas de mauvais résultat et leur cours de Bourse ne bénéficie plus d’un effet d’entraînement de la part d’entreprises moins risquées. “Les réactions des investisseurs se polarisent, en récompensant plus fortement les valeurs considérées comme performantes, mais en sanctionnant plus sévèrement celles qui déçoivent“, explique l’étude.
Financiarisation de l’économie
L’arrivée plus massive d’investisseurs particuliers sur les marchés, constatée depuis les confinements pendant la pandémie de Covid-19, joue au contraire le rôle d’amortisseur, les particuliers ayant tendance à acheter lorsque les actions d’une entreprise baissent. Les vendeurs à découvert en revanche, n’ont pas contribué à amplifier le phénomène de décrochage sévère. Les entreprises ayant subi ces décrochages ne faisaient pas l’objet d’attaque de ces vendeurs à découvert, ces investisseurs spécialisés qui parient sur la baisse du cours de bourse d’une entreprise et, par le biais d’une technique financière spécifique, gagnent de l’argent quand l’entreprise va mal.
L’étude a permis de rassurer le régulateur des marchés financiers qui a pu, chiffres à l’appui, constater qu’il ne s’agissait pas d’un phénomène spécifique à la France. Mais ces décrochages boursiers à l’ampleur inédite reflètent néanmoins la financiarisation de plus en plus forte de l’économie, qui se traduit notamment par des niveaux de valorisation des entreprises historiquement hauts et des corrections boursières proportionnelles.