Publié le 31 octobre 2024

Les terribles inondations de Valence illustrent à quel point l’urbanisation, la bétonisation des espaces et l’artificialisation des sols rendent nos villes vulnérables. Alors que les risques d’événements climatiques extrêmes augmentent sous l’effet du changement climatique, l’adaptation de nos villes est plus que jamais une urgence.

Le bilan continue de s’alourdir après les inondations qui ont frappé le sud de l’Espagne et en particulier l’agglomération de Valence. On dénombre actuellement près de 100 décès, des quartiers entiers dévastés et probablement des milliards d’euros de dégâts. Alors que les secours s’activent encore pour tenter de déblayer les décombres et de sauver des citoyens, une question se pose : comment faire face à l’avenir à ces catastrophes climatiques, qui vont se multiplier et s’intensifier sous l’effet du réchauffement climatique ?

Si l’atténuation de nos émissions de gaz à effet de serre apparaît évidemment plus que jamais urgente pour minimiser les effets du changement climatique, la question de l’adaptation de nos villes aux transformations climatiques apparaît également essentielle. En effet, derrière la catastrophe de Valence se pose aussi la question de l’urbanisation à outrance, qui rend plus que jamais nos espaces urbains vulnérables aux aléas climatiques.

L’urbanisation accentue les phénomènes d’inondation

Ces 60 dernières années, l’urbanisation a connu un rythme extrêmement soutenu dans le sud de l’Espagne explique ainsi Clément Gaillard, docteur en urbanisme. “Ce sont près de 9 000 hectares de vergers qui ont été détruits, remplacés par des espaces bétonnés entre 1956 et 2011”, analyse-t-il. “9000 hectares de pleine terre avec un réseau racinaire qui favorise l’infiltration” ont été détruits selon le spécialiste, soit l’équivalent de la surface de Paris intra-muros, créant les conditions parfaites pour accentuer le ruissellement des eaux. “Ces 9 000 hectares urbanisés ont contribué au ruissellement de 13 500 000 m3 d’eau supplémentaires”, soit l’équivalent de “5 400 piscines olympiques qui se sont déversées en plus dans les rues et les maisons et qui ont aggravé cette inondation et ses conséquences”.

Pour Serge Zaka, agro-météorologue, “l’urbanisation a clairement créé un toboggan géant entre la ville de Valence et son amont, là où l’orage a stationné”. L’eau a ainsi pu converger plus rapidement, plus intensément, et dans des volumes beaucoup plus importants vers les zones habitées, parfois situées en zones inondables, créant des dommages sans précédent. Le phénomène est connu des spécialistes, comme l’explique le service français d’information publique sur l’eau, Eau France. “La combinaison de milieux artificialisés et de grandes surfaces imperméables peut donner lieu à des crues éclairs en cas de fortes pluies dans un bassin versant, dévastatrices pour les infrastructures, les activités et les habitants”, explique l’institut. En d’autres termes, l’urbanisation et l’artificialisation des sols augmente la vulnérabilité des villes face aux phénomènes d’inondations. Un enjeu essentiel alors qu’avec nos trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre actuelles, nous nous dirigeons vers un réchauffement climatique de plus de 3 degrés dans le monde (et jusqu’à 4 degrés en France), qui va considérablement augmenter les risques et l’intensité des phénomènes climatiques extrêmes.

Adapter nos villes et créer de la résilience climatique

Alors comment éviter que des crises comme celle de Valence ne deviennent monnaie courante à l’avenir ? Pour Clément Gaillard, “il faut sortir de l’idéologie du tout tuyau, qui s’est développée au XIXème siècle, et qui consiste à croire que l’on peut évacuer toutes les eaux via des réseaux d’évacuation unifiés”. Pour cela, “il faut essayer de mettre en place des mécanismes pour absorber l’eau, ralentir le ruissellement, créer un effet tampon”. “Cela peut-être des bassins de rétention, des espaces de pleine terre avec des plantations, pour créer un réseau racinaire qui va absorber l’eau, des toitures végétalisées, des gouttières plus adaptées qui débouchent sur des bacs fleuris par exemple”, explique l’expert. En résumé : moins de béton, plus de sol vivant et de zones tampons capables de ralentir le ruissellement. Mais en zone très urbanisée, avec des surface largement imperméabilisées par la bétonisation, l’exercice est évidemment compliqué. 

Aujourd’hui, les questions liées à l’adaptation au changement climatique et à la lutte contre l’artificialisation des sols commencent à peine à s’installer dans les politiques publiques. En France, le gouvernement vient d’ailleurs d’annoncer sa volonté de remettre en cause l’objectif de Zéro Artificialisation des Sols (ZAN) pour 2050. Pour Clément Gaillard, cette remise en cause est “très problématique”. “On a déjà des surfaces imperméabilisées qu’on pourrait densifier, au lieu de vouloir en artificialiser de nouvelles”, souligne-t-il. Sur le volet adaptation, le PNACC3 (Plan National d’Adaptation au Changement Climatique) a finalement été mis en consultation, après plusieurs mois de retard, mais est d’ores et déjà considéré par beaucoup d’associations spécialisées dans la protection de l’environnement comme insuffisant. Ce plan “non contraignant, pas financé, peu ambitieux”, “ne protègerait absolument pas la population française s’il était mis en place aujourd’hui”, analyse par exemple Elise Naccarato, responsable de plaidoyer climat chez Oxfam. Dans son dernier rapport, le Haut Conseil pour le Climat rappelait d’ailleurs les retards de la France en matière d’adaptation. Les inondations de Valence illustrent pourtant bien l’urgence de s’attaquer rapidement à cet enjeu essentiel, en parallèle de l’atténuation et de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre.

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