Publié le 29 octobre 2024

Et si les produits transformés à forte teneur en sucre étaient taxés comme le sont aujourd’hui les sodas ? La proposition, qui a remporté l’approbation de la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq, permettrait, selon ses défenseurs, de prévenir les maladies chroniques et de réduire le coût pour la Sécurité sociale dont le financement est débattu en ce moment à l’Assemblée nationale. Reste à convaincre les industriels, très réfractaires et la ministre de l’Agriculture, frontalement opposée.

Les débats sur le budget 2025 de la Sécurité sociale se sont ouverts à l’Assemblée nationale lundi 28 octobre dans un climat tendu au sein du gouvernement. Deux ministres, celle de la Santé, Geneviève Darrieussecq, et celle de l’Agriculture, Annie Genevard, s’opposent en effet sur une proposition de la commission des affaires sociales : taxer les produits transformés ultra-sucrés. “Il faut, avant tout, sensibiliser la population, et l’accompagner. Les industriels ont aussi une responsabilité collective, et j’aimerais qu’ils trouvent des solutions pour changer leurs recettes”,  a déclaré à la Tribune Dimanche la ministre de la Santé. “Mais oui, je suis favorable à des taxes sur les sucres transformés. Attention, il ne s’agit pas de pénaliser les artisans, les pâtissiers, etc. Mais pour eux que l’on apprenne dès le plus jeune âge dans les centres d’apprentissage, les CFA, à travailler avec moins de sucres”, a-t-elle ajouté.

Cette taxe aurait un double impact selon ses défenseurs. D’abord elle permettrait de mieux “prévenir” les maladies chroniques et les addictions. L’Organisation mondiale de la santé a en effet déjà alerté sur la “pandémie de diabète”, provoquée par la surconsommation de sucre dans le monde, passant de 151 millions de personnes atteintes en 2000 à 463 millions vingt ans plus tard. Ensuite, c’est le  coût économique et financier pour la société qui est pointé du doigt. Le poids pour l’assurance maladie de la prise en charge de l’obésité, une des conséquences de la surconsommation de sucre, est estimé à 11 millions d’euros par le cabinet d’études Asterès.

“C’est pourquoi le groupe Les Démocrates propose de faire supporter cette charge aux industriels, parfois trop peu soucieux des impacts de leurs produits sur la santé de tous”, peut-on lire dans l’amendement déposé en Commission des affaires sociales. Cette proposition intervient seulement quelques jours après la publication d’un rapport de l’Institut Montaigne qui préconisait déjà une taxe pour les industriels qui ne feraient pas l’effort de réduire la teneur en sucre de leurs produits. “La responsabilisation des industriels, souhaitée ces dernières années par les décideurs publics, n’a pas encore atteint son plein potentiel”, juge le think-tank qui a comparé la législation française à d’autres pays européens et la trouve aujourd’hui “encore trop frileuse”. Or “Les recettes fiscales issues de cette taxe sont estimées à 560 millions par an et pourraient être réaffectées au financement d’un chèque alimentaire”, propose le think-tank.

Un “boulet au pied de nos entreprises”

Mais c’était compter sans la réaction des industriels, très remontés à l’idée d’une potentielle nouvelle taxe qui viendrait s’ajouter à celle déjà existante, dite “taxe soda” dont l’application est limitée aux boissons sucrées et édulcorées. Cette dernière a permis à l’Etat de remporter 465 millions d’euros en 2022. “Ces taxes ne pourraient qu’affecter lourdement la compétitivité des entreprises (composées à 98% de TPE/PME) dont la situation économique a déjà été fortement affaiblie par les crises successives traversées ces quatre dernières années (Covid, guerre en Ukraine, crise de l’énergie) et par les relations commerciales anormalement dégradées avec la grande distribution depuis plus de dix ans”, écrit l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) dans un communiqué. Plusieurs taxes ont été proposées en plus de celle sur les produits très sucrés. Sont aussi ciblés les bières à plus de 5,5°C d’alcool car trop alcoolisées ou encore les bières aromatisées et sucrées, qui ciblent un public jeune.

Pour sa défense, l’Ania a reçu un soutien de taille. La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard a déclaré à l’agence de presse Agra : “Il ne faut pas ajouter des boulets au pied de nos entreprises au moment où elles se battent pour défendre leur position sur les marchés mondiaux”. Les débats s’annoncent donc houleux au sein même d’un gouvernement de plus en plus divisé. En attendant, les associations ne comptent pas lâcher le morceau. Un rapport publié en mars par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses)  avait montré que sur 54 000 produits passés au crible, plus des trois quarts contenaient au moins un type de sucre ajouté “et ce, même dans les produits salés”.

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