Publié le 14 octobre 2024

Marché électrique en berne, objectifs européens de réduction d’émission, tarifs douaniers sur les importations chinoises… Le Mondial de l’automobile 2024 s’annonce tendu cette année pour les constructeurs européens. L’arrivée de nombreuses petites voitures électriques abordables en 2025 pourrait les aider à redresser leurs ventes.

Le Mondial de l’automobile s’ouvre à Paris dans un climat tendu pour les constructeurs automobile européens. Tous vont rivaliser de carrosseries rutilantes sur leurs stands. Renault va profiter de l’occasion pour présenter son tout nouveau modèle, celui sur lequel il fonde de grands espoirs pour dynamiser ses ventes, la nouvelle Renault 5. Cette voiture électrique, inspirée du célèbre modèle produit dans les années 70 et jusqu’au milieu des années 80, a pour difficile mission de relancer le segment des voitures électriques pour la marque au losange.

Les constructeurs automobiles européens se trouvent en effet à moins de trois mois d’une grande échéance. En 2025, la réglementation européenne leur imposera de réduire les émissions de leurs véhicules, qui ne devront pas dépasser 95 grammes de CO2 par kilomètre en moyenne sur leurs gammes. Pour Luca de Meo, directeur général de Renault et président de l’Association des constructeurs automobile européens (ACEA), cela signifie que quatre véhicules vendus sur quatre en Europe devront être électriques. Et le compte n’y est pas, assure-t-il.

Chute des ventes de voitures électriques en 2024

L’échéance arrive alors que les ventes de voitures à batterie se sont tassées cette année. Leur part de marché augmentait pourtant régulièrement, passée de seulement 5,4% des ventes totales en 2020 à 12,1% en 2022 et 14,6% en 2023. Mais cette année, les ventes se sont effondrées. Au mois d’août 2024, les immatriculations de voitures électriques chutent de 43,9% en Europe, contre -18,3% pour l’ensemble du marché automobile. L’Allemagne et la France, deux des plus importants marchés automobiles européens, sont les plus mauvais élèves, avec respectivement -68% et -33,1%.

La réponse des constructeurs n’a pas tardé. Volkswagen, qui figurait parmi les constructeurs automobiles les plus puissants à l’ère du moteur thermique, envisage pour la première fois de son histoire de fermer des usines en Allemagne. Il pourrait aussi licencier des salariés allemands, malgré les accords passés avec les syndicats du groupe. L’ACEA, de son côté, a sorti l’artillerie lourde : “il nous manque des conditions cruciales pour permettre l’accélération nécessaire de la production et de l’adoption des véhicules zéro émission“, explique le lobby européen de l’automobile, qui cite pêle-mêle, le manque d’infrastructures, la réduction des incitations à l’achat de voitures électriques, le difficile accès aux matières premières, etc.

Une douzaine de modèles abordables en préparation

L’organisation industrielle demande aux autorités européennes de repousser l’obligation de réduction des émissions. Les constructeurs déclarent qu’ils ne pourront pas atteindre les objectifs et craignent les amendes européennes, qui pourraient s’élever à près de 15 milliards d’euros pour toute l’industrie, selon Luca de Meo. Autre solution, réduire la production de voiture à moteur thermique, avec des conséquences difficiles sur les usines européennes…

C’est totalement fallacieux, objecte cependant Lucien Mathieu, directeur voitures chez Transport et environnement. Nous avons fait des études poussées sur la stratégie et les projets des constructeurs. Ils peuvent atteindre les objectifs d’émissions.” Selon l’ONG, une douzaine de voitures électriques abordables, c’est-à-dire à moins de 25 000 euros, devraient déferler sur le marché l’année prochaine, à commencer par la Renault 5. Pour l’ONG, les véhicules électriques devraient atteindre entre 20 et 24% des ventes l’année prochaine, aux antipodes des prévisions des constructeurs. “Les constructeurs se préparent à l’objectif de 2025 depuis longtemps“, ajoute l’expert, qui rappelle que les objectifs de réduction d’émissions sont fixés tous les cinq ans, le temps pour les industriels de se préparer.

Les tarifs douaniers en question

Les difficultés du marché de l’électrique en 2024 s’expliquent en partie parce que les constructeurs ont attendu 2025 pour sortir des voitures plus abordables et augmenter leurs volumes. En attendant, ils se sont plutôt concentrés sur de gros véhicules haut de gamme, à plus forte marge. Le prix moyen des véhicules électriques a ainsi augmenté de 10% depuis 2020 (45 000 euros en moyenne), tandis que le prix moyen des batteries baissait de 33% par kilowatt/heure. Les constructeurs européens ont donc choisi de renflouer leurs marges, mais de prendre du retard sur l’électrique abordable, estime l’ONG.

Un espace qu’ont choisi d’occuper les concurrents chinois, qui s’implantent à grande vitesse sur le marché européen. La Chine est le premier pays, et de loin, à importer des voitures électriques. Le chiffre d’affaires des constructeurs chinois atteint presque 10 milliards d’euros sur l’électrique en 2023, quand il était sous la barre des 4 milliards en 2021 et quasi inexistant en 2019, selon l’ACEA. Les tarifs douaniers que l’Union européenne tente d’imposer sur les voitures non produites sur le sol européen donneront peut-être un peu d’air aux constructeurs européens. “Mais l’impact des tarifs sur les prix des voitures chinoises n’est pas clair“, alerte Lucien Mathieu. Des constructeurs comme BYD auraient ainsi prévu de ne pas répercuter les tarifs douaniers sur leurs prix pour gagner des parts de marché.

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