Taxer davantage les billets d’avion pour financer la réduction du déficit public : c’est l’une des propositions mises sur la table par le gouvernement de Michel Barnier après son discours de politique générale. Le principe d’une taxe de solidarité sur les billets d’avion existe depuis plusieurs années, puisque le prélèvement dit “taxe Chirac” a été mis en place en 2006. L’objectif est aujourd’hui d’augmenter cette taxe afin de générer des revenus pour équilibrer les finances publiques.
Concrètement, tous les vols seraient concernés, mais le prélèvement fiscal concernerait en premier lieu les vols longs courriers, en classe affaires, notamment pour les vols de plus de 5 000 kilomètres, ceux qui émettent le plus de CO2. La mesure pourrait rapporter plusieurs centaines de millions d’euros par an à l’Etat et porter les revenus de la taxe à plus d’un milliard en 2025.
Une mesure écologique sur le principe du “pollueur-payeur”
Si la mesure est aujourd’hui défendue avant tout dans une optique budgétaire, l’idée d’une taxe sur les billets d’avion est pourtant depuis longtemps une revendication des organisations environnementales, qui y voient un moyen de faire baisser les émissions du secteur. Le Réseau Action Climat (RAC) rappelait ainsi il y a quelques jours que l’aérien est l’un des “rares secteurs dont la contribution au réchauffement climatique continue d’augmenter année après année”, et que les études scientifiques “les plus complètes sur la décarbonation du secteur aérien en France concluent qu’il est nécessaire de réduire le trafic dès maintenant pour respecter l’Accord de Paris.” Pour y parvenir, l’organisation propose de renforcer la taxation du secteur. L’aérien bénéficie en effet encore de nombreuses exemptions fiscales, qui constituent pour l’Etat un manque à gagner de près de 6 milliards d’euros par an selon les estimations de l’ONG Transport & Environment. Des exemptions qui expliquent en grande partie pourquoi l’avion est aujourd’hui moins cher que le train, pourtant moins polluant.
Renforcer la taxation permettrait alors de rééquilibrer la pression fiscale proportionnellement à l’impact carbone de ce mode de transport sur le principe du “pollueur payeur”. “En fiscalisant un comportement très émissif de gaz à effet de serre [les vols en avion, NDLR], nous avons une variante de taxe carbone”, explique sur LinkedIn l’ingénieur spécialisé Jean-Marc Jancovici. Une taxe carbone qui permettrait également d’inciter les voyageurs à se tourner vers d’autres modes de transports, qui deviendraient ainsi plus compétitifs. Selon le RAC, une augmentation de la taxe Chirac pourrait ainsi permettre de faire baisser les émissions du secteur aérien de 7,5%, alors que le Haut Conseil pour le Climat rappelait justement dans son dernier rapport la nécessité d’accélérer la baisse des émissions du secteur des transports.
Une taxe qui pèse surtout sur les plus riches
La taxation des billets d’avion revêt aussi le caractère d’une mesure de justice sociale. En effet, comme le rappelle Alexis Chailloux, responsable du secteur aérien au RAC, “les Français qui prennent l’avion sont principalement des CSP+ urbains, qui partent en vacances”. Les cadres et les 10% les plus riches sont ainsi surreprésentés parmi les passagers du secteur aérien, alors que les populations les plus précaires n’ont le plus souvent pas les moyens d’acheter des billets d’avion, et ce malgré le développement des vols low-costs. “Ce prélèvement porte donc surtout sur les hauts revenus”, commente Jean-Marc Jancovici, contrairement à d’autres formes de taxation carbone, comme la taxe sur les carburants, qui touche, elle, principalement les classes moyennes et les populations rurales qui prennent leur voiture quotidien pour le travail. La pression fiscale engendrée par une hausse de la taxe sur les billets d’avion permettrait ainsi de toucher ceux qui contribuent le plus au réchauffement climatique par leurs modes de transport.

Si la taxe proposée par le gouvernement Barnier touchera en principe tous les voyageurs utilisant l’avion, le Réseau Action Climat propose de son côté un mécanisme permettant de toucher plus spécifiquement les voyageurs fréquents. Cette “taxe grand voyageur aérien” s’appliquerait de façon progressive : “elle serait très faible si c’est votre premier vol dans l’année, et très forte si c’est votre cinquième vol”, explique Alexis Chailloux. Une manière là encore de toucher principalement les voyageurs les plus aisés, et les plus gros pollueurs. De son côté, le secteur aérien a exprimé son opposition à de telles taxes, jugeant, par la voix de Airlines for Europe (qui regroupe Air France-KLM, IAG, Lufthansa, Ryanair ou encore EasyJet) que la mesure pèserait sur la compétitivité du secteur.