Publié le 2 octobre 2024

Depuis plusieurs semaines maintenant, la fièvre catarrhale ovine et la maladie hémorragique épizootique font des ravages au sein des élevages ovins et bovins français. Derrière la propagation rapide de ces deux pathologies se cache un petit moucheron, dont le développement est accéléré en Europe par la hausse des températures et les échanges internationaux. Un défi à long terme pour les éleveurs, à l’heure de la crise climatique.

C’est une crise majeure qui secoue les élevages français. Depuis cet été, les troupeaux bovins et ovins sont simultanément touchés par trois maladies vectorielles : la fièvre catarrhale ovine (FCO), dont deux sérotypes circulent activement, et la maladie hémorragique épizootique (MHE). Plus des deux tiers de l’Hexagone sont concernés : au 30 septembre, 82 départements métropolitains relevaient des cas cliniques confirmés selon le réseau des Groupements de défense sanitaire (GDS).

Un bilan alarmant alors que ces pathologies, non transmissibles à l’Homme, provoquent chez les ruminants de nombreux troubles, comme de la fièvre, des œdèmes, une cyanose de la langue ou des troubles respiratoires allant parfois jusqu’au décès. Début septembre, la FNSEA estimait ainsi que la FCO avait entraîné la perte de 10% du cheptel de brebis français. A ces signes cliniques s’ajoutent par ailleurs des impacts sur la lactation et les capacités de reproduction des animaux, engendrant une baisse de productivité pour les éleveurs à moyen voire long terme.

Présent en France depuis déjà plusieurs années, le sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine a connu durant l’été une résurgence importante dans le sud du pays, à laquelle s’est ajoutée l’apparition d’une nouvelle souche, le FCO 3. Ce sérotype, jusqu’alors absent du territoire européen, a fait son apparition fin 2023 aux Pays-Bas. Se diffusant progressivement en Belgique puis en Allemagne, le virus a finalement été détecté au début du mois d’août dans le nord de la France. Le 26 septembre dernier, plus de 3 700 foyers de FCO 3 étaient comptabilisés dans l’Hexagone selon le ministère de l’Agriculture, un chiffre en hausse de +94% en seulement quinze jours.

Un dénominateur commun

Quant à la fièvre hémorragique épizootique, elle concerne aujourd’hui 28 départements, principalement dans le quart sud-ouest du territoire, après avoir été relevée en Tunisie, en Italie, au Portugal et en Espagne. “Pour un élevage, être touché par une maladie, ça a des impacts sur la santé et le bien-être des bêtes, sur la production, sur le coût des traitements vétérinaires. Mais si en plus, quelques mois après, c’est au tour d’une deuxième puis d’une troisième maladie, on ne sait pas ce que ça va avoir comme conséquences”, s’inquiète auprès du Monde Emmanuel Garin, vétérinaire épidémiologiste pour le GDS.

Derrière cette crise sanitaire de taille se cache un seul et même insecte : le culicoïde, un petit moucheron piqueur. Si aucune piste n’est encore privilégiée avec certitude pour expliquer son développement rapide et massif en France, deux facteurs sont néanmoins pointés du doigt, à commencer par la mondialisation. “Les échanges internationaux jouent probablement un rôle important”, explique à Novethic Stéphan Zientara, directeur du laboratoire de santé animale de l’Anses. “Comme le sérotype 8 et d’autres maladies, le FCO 3 a été introduit en Europe à partir des Pays-Bas, qui est une plaque tournante du commerce international, notamment de fleurs”, ajoute Jeanne Brugère-Picoux, professeur honoraire de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort.

Des conditions climatiques favorables

Une fois répandus en Europe, les agents pathogènes et leurs vecteurs bénéficient des effets du changement climatique. “En France, les mois d’août et septembre présentent aujourd’hui des conditions climatiques favorables au développement des populations de moucherons, souligne Stéphan Zientara. Mais l’augmentation des températures va également jouer sur la capacité de multiplication des virus”. Résultat, ces “maladies d’origines méditerranéennes”, comme nous l’explique Jeanne Brugère-Picoux, se diffusent dans des zones géographiques et des périodes de plus en plus larges.

Afin de se prémunir de nouvelles épizooties, plusieurs solutions sont mises sur la table, comme la recherche pour l’identification et le traitement des maladies, mais aussi la collaboration internationale, notamment avec les pays dans lesquels ces virus circulent d’ores et déjà. En attendant, les éleveurs sont appelés à vacciner leurs troupeaux pour freiner au maximum la progression des pathologies vectorielles. Au total, le gouvernement français a ainsi commandé plus de 11 millions de vaccins contre le sérotype 3 de la fièvre catarrhale.

“La réponse aux crises par le vaccin ne suffit pas. (…) Il faut une approche globale des conséquences du changement climatique sur les vecteurs par une politique de long terme”, rétorque la Confédération paysanne. Pour le syndicat agricole, “avec l’explosion des maladies virales, l’élevage français est en danger.” Un véritable défi sur lequel Annie Genevard, la nouvelle ministre de l’Agriculture est attendue au tournant à l’occasion du Sommet de l’élevage qui a débuté mardi 1er octobre, dans le Puy-de-Dôme. “Nous attendons des premières annonces [lors de cet événement], presse Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, interrogé par l’AFP. Il y a urgence”.

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