Publié le 2 octobre 2024

Stellantis n’est plus l’enfant-chéri de la Bourse. Après avoir annoncé une révision de ses objectifs financiers, le constructeur franco-italo-américain a chuté de 15% en Bourse en une journée. Le modèle basé sur la réduction des coûts agressive montre ses limites et toutes les parties prenantes du groupe commencent à s’en prendre à la gestion du directeur général Carlos Tavares.

Spectaculaire dégringolade en Bourse pour Stellantis. Le constructeur automobile a perdu près de 15% après avoir annoncé une révision de ses objectifs financiers pour l’année 2024. Baisse de l’objectif de marge opérationnelle, qui sera inférieure à 7% au lieu de la marge “à deux chiffres” envisagée auparavant, flux de trésorerie industriel négatif… Carlos Tavares, jusqu’ici célébré pour avoir redressé le groupe PSA, racheté l’Allemand Opel, puis fusionné PSA avec Fiat-Chrysler pour créer le groupe Stellantis, semble cette fois atteindre les limites d’un modèle basé avant tout sur la réduction des coûts.

Le coup de mou enregistré par le constructeur franco-italo-américain tient notamment à la baisse de ses ventes aux Etats-Unis, le marché où il enregistre pourtant ses plus fortes marges. Le groupe compte ainsi réduire ses stocks à 330 000 véhicules détenus par ses concessionnaires, en leur écoulant moitié moins de voitures que prévu et en mettant en place une politique de promotions commerciales pour tenter de redresser les ventes du constructeur. Celles-ci ont en effet chuté de 21% au deuxième trimestre 2024, ce que la direction impute à la faiblesse du marché et à la concurrence des véhicules chinois.

Des prix “abusifs” aux Etats-Unis

Mais les syndicats américains avancent une autre analyse de la situation. “Le problème, ce n’est pas le marché, chez General Motors et Ford les ventes augmentent“, constatait ainsi mi-août Shawn Fain, le président de l’UAW, le puissant syndicat américain de l’automobile. Il réagissait à l’annonce, début août, de l’arrêt de la production d’un pick-up de la marque Dodge dans l’usine de Warren dans le Michigan, avec un risque de suppression de 2 450 emplois. “Pendant des années, Stellantis a vendu moins de voitures mais a enregistré plus de profit“, reprend Shawn Fain. Les prix “abusifs” des véhicules aux Etats-Unis ont permis de restaurer les marges du constructeur, mais ont réduit petit à petit les volumes en écartant bon nombre de consommateurs. Avec des conséquences importantes sur l’outil industriel.

Le syndicaliste pointe en fait la stratégie basée sur la recherche de profit à court terme. “Stellantis n’investit pas dans de nouvelles technologies de batteries ou dans la transition vers une économie verte, explique Shawn Fain. Stellantis fait la course vers le bas en augmentant les prix tout en réduisant le nombre d’employés.” La rémunération de Carlos Tavares, au contraire, se porte toujours aussi bien, déplore le syndicaliste, à près de 36,5 millions d’euros cette année. Même les investisseurs de Stellantis ont marqué leur désapprobation, près du tiers d’entre eux ayant voté contre lors de l’assemblée générale du groupe en mai 2024.

La méthode de réduction des coûts à tout prix qui a permis de faire de Stellantis l’un des constructeurs automobiles les plus rentables de ces dernières années, révèle aujourd’hui ses faiblesses. La révision de ses objectifs financiers “confirme que l’approche conflictuelle prise avec toutes les parties prenantes (employés, concessionnaires, fournisseurs, gouvernements et maintenant même avec les investisseurs) n’était pas la bonne“, souligne ainsi dans une note un analyste de la banque privée Oddo BHF.

Série de rappels pour des dysfonctionnements

D’autant que les risques pesant sur l’industriel n’ont cessé de s’enchaîner ces derniers temps. Dernier en date, il a annoncé fin septembre le rappel aux Etats-Unis de près de 194 000 Jeep hybrides rechargeables qui posent un risque d’incendie. Il conseille aux automobilistes de garer leur Jeep à l’extérieur et de ne pas la recharger, le risque étant moindre lorsque la batterie est déchargée. Cette campagne de rappel en suit une autre intervenue quelques semaines plus tôt aux Etats-Unis, pour plus de 1,2 million de pick-ups en raison d’une défaillance logicielle pour le système de freinage. En France, des actions en justice ont été lancées par des consommateurs après le rappel de certains véhicules Citroën aux airbags défectueux.

Ces problèmes en série signeront-ils la fin du règne de Carlos Tavares à la tête du constructeur automobile depuis dix ans ? Le conseil d’administration de Stellantis a annoncé qu’il allait commencer à préparer la succession, alors que son mandat actuel dure jusqu’en 2026. Les administrateurs expliquent qu’il est normal d’anticiper une telle succession. Le syndicaliste américain Shawn Fain, de son côté, rappelait au mois d’août que “si un ouvrier automobile faisait un aussi mauvais travail que le directeur général de Stellantis Carlos Tavares, il serait viré“.

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