La Commission européenne va-t-elle tenir bon sur le règlement interdisant la déforestation qui doit être appliqué à partir de la fin de l’année ? Rien n’est moins sûr. Le texte qui entend mettre fin à l’importation de produits issus de la déforestation sur le continent tels que le cacao, le café, le soja, l’huile de palme, le bois, la viande bovine mais aussi le caoutchouc, est de plus en plus critiqué. Après l’Indonésie et la Malaisie, principaux producteurs d’huile de palme, c’est au tour du Brésil et des Etats-Unis, pays producteurs de soja, de réclamer un report du texte. La semaine dernière, l’Allemagne s’est également jointe à cet appel.
“Si les entreprises s’inquiètent pour leur survie, cela ne peut pas être ignoré à Bruxelles. Elles ont besoin de temps pour se préparer”, a expliqué le ministre allemand de l’Agriculture. “Les chaînes d’approvisionnement risquent de se briser, au détriment de l’économie allemande et européenne, des petits agriculteurs dans les pays tiers et des consommateurs”, a-t-il averti. Pour Berlin, il s’agit aussi d’assurer la signature du Mercosur, un accord de libre-échange entre l’UE et les pays sud-américains défendu par l’industrie allemande, et contre lequel la loi anti-déforestation constitue un obstacle majeur.
“Alerte écocidaire”
Selon une information révélée par le média Euractiv, Ursula von der Leyen, serait sur le point de reculer. “La présidente (de la Commission européenne, ndr) a rencontré le groupe PPE (Parti populaire européen) et a annoncé qu’elle proposerait un report ou une autre solution temporaire dans les jours à venir”, a confirmé à Euractiv Herbert Dorfmann, porte-parole du PPE pour l’agriculture, soulignant que la réouverture et la révision du règlement devraient également être envisagées.
“Alerte écocidaire !”, a tweeté la députée européenne des Verts Marie Toussaint. “L’Amazonie brûle mais la droite européenne veut empêcher la loi contre la déforestation, pourtant bien adoptée, d’entrer en vigueur !”. Son parti, ainsi que les Socialistes et les Libéraux de Renew se sont fendus d’un courrier adressé à Ursula von der Leyen pour lui demander de ne pas revenir en arrière. Ils appellent en outre la Commission à publier les documents nécessaires à la bonne application du texte par les entreprises. “Ce retard est la principale raison des lettres inquiètes envoyées au cours des dernières semaines par les pays partenaires et les parties prenantes”, expliquent les députés de Renew. Une tribune, publiée dans Libération, appelle également l’exécutif européen à rejeter la suspension.
Des entreprises déjà prêtes
Interrogé en conférence de presse le 23 septembre dernier, le porte-parole de la Commission assure “préparer l’entrée en application du règlement avec un grand nombre d’acteurs”. Il précise également que la Commission “surveille en permanence les conditions qui garantissent une application fluide du règlement”. Une tournure de phrase qui laisse penser que si les conditions ne sont pas optimales, une mesure pourrait être prise. Si tel était le cas, le signal serait vraiment inquiétant en ce début de mandat.
Le règlement sur la déforestation pourrait permettre une baisse de la déforestation globale de 10%, selon l’étude d’impact de la Commission, et ferait de l’Union européenne un pionnier sur le sujet. Les incertitudes autour de son application pèsent sur les entreprises qui se sont déjà préparées. Selon un nouveau rapport de l’ONG Canopée, “la majorité des entreprises des filières de l’huile de palme, du cacao et du soja ont déjà pris l’engagement d’atteindre des chaînes d’approvisionnement sans déforestation, et certaines – en particulier dans la filière de l’huile de palme- sont proches d’atteindre cet objectif”.