Publié le 24 septembre 2024

Sous l’impulsion de Microsoft, la centrale nucléaire de Three Mile Island, aux Etats-Unis, va renaître de ses cendres. Le géant de la tech s’est engagé à se fournir en énergie “décarbonée” auprès de ce site mis à l’arrêt depuis plusieurs années pour soutenir la consommation effrénée de ses centres de données. Un choix qu’il n’est pas le seul à faire alors que le développement de l’IA accélère la demande énergétique.

Quand la course à l’intelligence artificielle devient la course à l’énergie décarbonée. Pour répondre au double challenge du développement de ses activités et de l’atteinte de ses objectifs de neutralité carbone, Microsoft devrait participer à la relance d’une centrale nucléaire aux Etats-Unis. Vendredi 20 septembre, l’énergéticien Constellation a en effet annoncé la prochaine remise en route du site de Three Mile Island, en Pennsylvanie, au travers d’un accord signé avec le géant de la tech. Ce contrat permettra d’alimenter en électricité les centres de données de Microsoft pour une durée de vingt ans.

Le choix de Three Mile Island n’est pourtant pas anodin. Si ce nom ne vous dit peut-être rien, il est associé au plus grave accident nucléaire recensé aux Etats-Unis. En 1979, le cœur de l’unité 2 fond en partie à la suite d’une série de défaillances – mécanique et humaine – des systèmes de refroidissement. Sans faire de victimes, l’événement a tout de même abouti à la perte du réacteur, aujourd’hui en démantèlement. C’est donc l’unité 1 du site de production d’énergie qui sera mis à contribution pour fournir les infrastructures de Microsoft.

“Décarboner le réseau”

Cette dernière, fermée depuis 2019 pour raisons économiques, pourrait reprendre du service en 2028. 1,6 milliard de dollars seront investis afin de réhabiliter le générateur, la turbine ou encore les systèmes de refroidissement. A terme, Three Mile Island renommé Crane Clean Energy Center pour l’occasion, fournira 837 mégawatts de puissance, soit l’équivalent de la consommation de 800 000 foyers. “Cet accord constitue une étape majeure dans les efforts de Microsoft visant à décarboner le réseau”, souligne dans un communiqué Bobby Hollis, responsable de l’énergie au sein de la multinationale.

Car les promesses de neutralité carbone d’ici 2030 du géant de l’informatique semblent battre de l’aile. A contre-courant de ses objectifs, Microsoft a vu ses émissions augmenter de 30% depuis 2020. En cause, l’expansion de ses “services d’intelligence artificielle”. Selon le rapport de développement durable de l’entreprise, cette hausse provient de “la construction de nouveaux centres de données et du carbone incorporé associé dans les matériaux de construction, ainsi que dans les composants matériels tels que les semi-conducteurs, les serveurs et les racks”.

Des facteurs auxquels s’ajoutent donc une forte hausse de la consommation d’énergie, qui ne concerne pas uniquement Microsoft. “ChatGPT nécessite 15 fois plus d’énergie qu’une recherche traditionnelle sur le web, analyse pour le magazine économique Fortune Ami Badani, directrice marketing au sein d’Arm Holdings, société spécialisée dans le développement de processeurs. Nous ne pourrons pas continuer à progresser dans le domaine de l’IA si nous ne nous attaquons pas à la question de l’énergie”. Alors que la problématique devient inévitable, l’ensemble des géants de la tech semblent choisir la voie du nucléaire.

Une demande en hausse de 160%

En mars dernier, Amazon annonçait l’acquisition d’un campus de centres de données directement alimenté par la centrale nucléaire de Susquehanna, également située en Pennsylvanie. Coût de l’opération : 650 millions de dollars. Au-delà des sites existants, les firmes numériques font également le pari des nouvelles technologies. OpenAI, Microsoft, DeepMind, Amazon… Nombreuses sont celles qui investissent dans la fusion nucléaire, mais également dans le développement de “Small Modular Reactors” (SMR), de petits réacteurs dont la modularité permet une conception et une implémentation plus rapide.

C’est le cas notamment d’Oracle. Il y a quelques jours, le spécialiste du cloud a dévoilé avoir obtenu les autorisations nécessaires à la construction de trois SMR dans le but d’approvisionner un nouveau centre de données. “Ce sont des petits réacteurs nucléaires modulaires qui vont alimenter le site”, explique son fondateur Larry Ellison. Un emballement qui n’est pas près de s’arrêter malgré les appels à la sobriété. D’après Goldman Sachs, la demande énergétique liée à l’explosion de l’IA devrait progresser de 160% d’ici 2030. A cette date, la consommation des centres de données pourrait représenter jusqu’à 8% de l’énergie électrique produite aux Etats-Unis. Des besoins que les banques anticipent : 14 d’entre elles, dont Goldman Sachs, Bank of America ou encore BNP Paribas, viennent de s’engager à augmenter leur soutien à l’énergie nucléaire.

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