Publié le 18 juin 2024

Carole Delga, présidente de la région Occitanie, soutient le Front populaire. Or le programme de ce dernier prévoit un moratoire sur les nouveaux projets autoroutiers. Si Marie Toussaint et Manon Aubry nous affirment que l’A69 est ciblée par ce moratoire, la Région reste bien silencieuse.

C’est une petite phrase qui n’a rien d’anecdotique. Le Nouveau front populaire, issu de l’alliance entre le Parti socialiste (PS), la France Insoumise (LFI), le Parti communiste français (PCF) et Europe-Ecologie-Les-Verts (EELV), a présenté un programme commun le 14 juin dernier. Parmi les priorités à mettre en place dans les 15 premiers jours de cette phase appelée “La rupture” figure une mesure : “Décréter un moratoire sur les grands projets d’infrastructures autoroutières”. Un des points clé pour “relever le défi climatique”.

Cette mesure comprend-t-elle un moratoire sur l’A69, ce chantier très contesté qui prévoit de relier Toulouse à Castres ? Oui, nous répond par téléphone Manon Aubry, tête de liste LFI aux Européennes. Un avis confirmé par Marie Toussaint, la tête de liste EELV. Reste à savoir si la principale opposée au projet, la présidente PS de la région Occitanie, Carole Delga, en même temps favorable au Front populaire, s’inscrit dans ce sillage. Contactée par Novethic à plusieurs reprises, la Région n’a pas répondu à nos sollicitations. De quoi provoquer la confusion comme on le voit dans ce tweet du climatologue Christophe Cassou qui remercie Carole Delga pour son revirement.

“La formule qui figure dans le programme du NFP est imprécise et peut donner lieu à plusieurs interprétations”, nuance l’avocat en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, “Il est notamment possible de la lire comme n’imposant pas un arrêt des travaux de réalisation de l’A69. C’est une formule qui permet à Carole Delga de soutenir le NFP tout en repoussant à plus tard le débat sur l’A69”, croit le spécialiste.

“Tout est encore blocable”

Pour les ONG sur place, c’est en tout cas une opportunité à saisir en cas de renversement politique. L’activiste Thomas Brail, qui avait risqué sa vie en entamant une grève de la faim puis une grève de la soif en septembre dernier devant le ministère de la Transition écologique pour mettre fin au projet, pense que “tout est encore blocable”.” Il n’y a encore ni bitume ni goudron”, avance-t-il à Novethic. A contrario, Martial Gerlinger, directeur général d’Atosca, société concessionnaire de l’autoroute, défend lui un chantier qui “bat son plein”. “Pour l’ensemble des ouvrages, l’avancement est de 60%”, a-t-il expliqué lors d’un point presse le jeudi 6 juin.

Le week-end du 8 juin, plusieurs ONG dont Extinction Rebellion, le collectif La voie est libre et les Soulèvements de la Terre ont appelé à la mobilisation. Celle-ci s’est transformée en affrontement avec les forces de l’ordre. Si les contestations sont toujours aussi vives, c’est que le projet est pour beaucoup le symbole du monde d’avant, allant à contre-sens de l’urgence écologique. Artificialisation de terres agricoles, perte de terres humides, dommages sur la santé des populations… les 53 kilomètres de cette portion d’autoroute sont vivement contestés.

La commission d’enquête abandonnée

Le projet était jusqu’ici soutenu par la région, mais aussi par l’entreprise Pierre Fabre qui a reconnu tardivement (en mars dernier) qu’elle en finançait une partie. Elle en aurait même été à l’initiative. Dans une lettre publique ouverte, datant de septembre 2022, le directeur général affichait ainsi un “soutien résolu à la réalisation” de l’A69. Les laboratoires Pierre Fabre ont en outre tissé d’importants liens avec les élus locaux et nationaux. Le député Renaissance de la 3ème circonscription du Tarn, Jean Terlier, dont la femme est directrice du marketing au sein du groupe pharmaceutique depuis près de 20 ans, a d’ailleurs été nommé président de la commission d’enquête parlementaire chargé d’évaluer le montage juridique et financier du projet.

Malgré des “soupçons de conflits d’intérêts”, Jean Terlier est resté à son poste. En tout cas jusqu’à l’annonce de la dissolution, qui a mis un terme à l’enquête parlementaire. “La commission n’aura pas le temps de remettre son rapport dans les délais”, a ainsi confirmé à La Dépêche le député. Reste à savoir si la prochaine Assemblée nationale décidera de lancer à nouveau une commission d’enquête. En attendant, les opposants au projet ont déposé plusieurs recours dont, selon nos confrères de France Bleu, une plainte des Amis de la terre pour “aggravation du risque d’inondation”.

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