A la COP28, 198 pays ont acté la création d’un fonds dédié aux pertes et dommages, c’est-à-dire les dégâts irréversibles causés par le changement climatique. Six mois plus tard, où en est-on ?
Le 10 juin dernier, le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale a donné son feu vert pour jouer le rôle d’hôte intérimaire comme administrateur du fonds pertes et dommages. C’est un pas considérable dans le processus d’installation de ce fonds (doté de 661 millions de dollars à l’issue de la COP28, ndr). Les discussions s’étaient débloquées lors de la 1ère réunion du Fonds, qui s’est tenue fin avril à Abu Dhabi, dans un état d’esprit très constructif. La Banque mondiale avait alors proposé un cadre d’accompagnement innovant qui n’existait pas auparavant. Celui-ci doit permettre à l’institution de signer directement les engagements financiers au nom du Fonds. L’autre caractéristique de cette option inédite est de parvenir à faire de l’accès direct sans passer par exemple par des banques multilatérales de développement. C’est cela que le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale vient de valider.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Il nous faut désormais désigner le pays hôte du fonds, qui sera selon toute vraisemblance, un pays en développement. C’est ce qui semble le plus logique politiquement. Parmi les candidats qui ont exprimé leur intérêt, il y a pour l’instant les Philippines, les Bermudes, Antigua-et-Barbuda et la Barbade. Le pays hôte donnera la personnalité légale au Conseil du Fonds. Il accueillera des réunions du Conseil. Il doit donc être en capacité d’organiser ces réunions et être relativement accessible sans générer de trop importantes contraintes pour les représentants au Conseil. Les discussions vont dès lors être difficiles et ce n’est pas sûr qu’on aboutisse lors de la deuxième réunion prévue en juillet. L’idéal serait qu’on puisse avoir la désignation du pays hôte d’ici la COP29 de Bakou (qui se tiendra du 11 au 22 novembre, en Azerbaïdjan, ndr).
Les positions ont-elles bougées sur les pays participant à ce fonds ?
Les pressions vont certainement se poursuivre pour que des pays dits en développement s’engagent. Le signal envoyé par les Emirats arabes unis à la COP28, qui se sont engagés sur un montant de 100 millions de dollars, est en ce sens important et a ouvert la voie pour que d’autres pays, qui ont la capacité de contribuer, se sentent une responsabilité dans la crise climatique et suivent. Nous allons par ailleurs travailler sur d’autres sources de financements innovantes, autres que les sources bilatérales qui reposent sur le volontariat, comme le prévoit l’accord trouvé à la COP28. La France est fort en soutien de ce travail. Comme Bruno Le Maire l’a souligné lors de l’annonce de ma nomination, la France compte continuer de jouer un rôle moteur dans l’élaboration de solutions de financement nouvelles en faveur des pays les plus vulnérables, en ligne avec le Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète.
Et du côté des bénéficiaires, comment ça va s’organiser ?
C’est le sujet qui a été un peu mis de côté pour l’instant. La décision de la COP prévoit une allocation minimale pour les pays les plus vulnérables. Pour les autres, la capacité des pays à répondre aux catastrophes devra être prise en compte. Mais les discussions sur ce sujet n’ont pas été mises au programme de la prochaine réunion. Ce que je pressens c’est qu’un pays pourra avoir accès à ces financements dans le cadre d’une approche programmatique (identification des risques, évaluation et solutions pour y répondre). C’est une approche qui est adapté aux phénomènes à développement lent comme la sécheresse ou l’érosion, mais qui l’est moins pour les phénomènes à développement rapide type tempête ou éboulement. Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que l’objectif du fonds de réponse aux pertes et préjudices est de venir combler les trous dans la raquette et de répondre à des besoins qui ne sont pas ou qui sont mal couverts par les autres organisations. Le fonds pourrait ainsi trouver une raison d’être aussi en prenant le lead sur les pertes non-économiques (pertes sociales, culturelles, relocalisations forcées, pertes de patrimoine). Le fonds pourrait être une sorte d’incubateur de réflexion et d’action sur ces sujets. Le but est de déclencher une première allocation en 2025. C’est un objectif tout à fait personnel mais je vais tout faire pour que ça arrive (le mandat de Jean-Christophe Donnellier arrivera à échéance en avril 2025 mais pourrait être prolongé jusqu’à la fin de l’année, après la COP30 au Brésil qui sera décisive, ndr).