Publié le 3 juin 2024

Malgré les condamnations à son procès et les casseroles en tous genres, la ligne anti-impôts, anti-woke, pro-business et pro-Netanyahou, incarnée par Donald Trump suffit à lui apporter le soutien de grands noms de la finance et des affaires à commencer par Elon Musk. Ils lui versent des millions de dollars et financent ainsi une campagne à charge, dangereuse pour la démocratie.

Malgré la reconnaissance de culpabilité de Trump sur 34 chefs d’accusation – dont celui d’avoir falsifié des comptes d’entreprises – les soutiens au candidat républicain font bloc. L’un des plus connus est aussi l’un des hommes les plus riches du monde : Elon Musk. Celui-ci pourrait devenir l’un de ses proches conseillers si l’ancien président parvient à regagner la Maison-Blanche. Cette révélation explosive a été faite par le Wall Street Journal. Le quotidien économique indique que le rapprochement s’est finalisé lors d’une réunion à Palm Beach, en Floride, organisée par Nelson Peltz, le financier milliardaire activiste, avec X, le fils d’Elon Musk, et Barron, celui de Trump. Cette alliance a pour objectif de rallier les principaux dirigeants économiques et financiers à la cause Trump. Ils sont déjà nombreux à lui verser des dizaines de millions de dollars mais certains n’affichent pas encore ouvertement leur soutien, conscients que l’appel du 6 janvier 2021 à prendre d’assaut le Capitole et les condamnations judiciaires constituent des handicaps démocratiques.

Le soutien des entreprises et de leurs dirigeants aux deux principaux candidats à l’élection présidentielle américaine jouent un rôle clef puisqu’elles apportent les fonds nécessaires à des campagnes télé et réseaux sociaux qui coûtent de plus en plus cher. L’équipe de Trump a annoncé que le procès lui avait permis d’engranger 50 millions de dollars supplémentaires, dont une part importante vient du monde des affaires. Des dirigeants financiers de premier plan ont affirmé leur soutien comme Stephen Schwarzman, le PDG de BlackStone (fortune estimée : 33 milliards de dollars) ou Omeed Malick, banquier créateur de 1789 Capital, un fonds anti-woke créé par un de ceux dont la vague MeToo en 2018 avait fait connaitre les pratiques sexuelles déviantes. Un des plus actifs soutiens est Nelson Peltz. Ce financier richissime à la tête du fonds Trian s’est fait connaitre par ses raids sur des entreprises dont il veut changer la direction pour augmenter leur rentabilité selon des critères qui ne laissent pas de place aux modèles durables. Il a gagné par exemple en 2022 la bataille d’Unilever et sa présence au conseil d’administration explique en grande partie le revirement stratégique de l’entreprise, ex-leader mondial de la RSE à l’époque où elle était dirigée par Paul Polman

Le monde des affaires divisé

Insensible aux préoccupations durables, assimilées au “wokisme” que dénoncent les détracteurs américain, et à la prise en compte des critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance), Nelson Peltz, âgé de 82 ans, a affirmé douter des capacités de Joe Biden parce qu’il en a 81, pour soutenir un homme qui fête le 14 juin ses 78 ans ! Cela pourrait faire sourire s’il n’était pas question plus fondamentalement du modèle économique que va incarner le futur président américain. Pour Kenneth Griffin, fondateur du Hedge fund Citadel, Trump serait “bon pour les marchés de capitaux“. En début d’année les propos de Jamie Dimon, le patron de JP Morgan et l’un des hommes les plus influents de Wall Street, ont fait couler beaucoup d’encre. Il a estimé que “Donald Trump avait raison sur l’Otan et l’immigration, qu’il avait développé plutôt bien l’économie et que sa politique fiscale était efficace”. Le démocrate Robert Reich, secrétaire d’Etat au travail sous Bill Clinton, a aussitôt dénoncé cette position qui permet de “s’attirer les bonnes grâces de Trump au cas où il serait président à la fin de l’année mais mine le soutien que devrait avoir les leaders du monde des affaires pour l’Etat de droit, la démocratie et la décence”. 

Ce soutien discret ou affirmé des plus grandes fortunes américaines à Donald Trump dessine nettement une fracture politique, économique et financière. Elles s’attachent à son engagement à déréguler l’économie et à ne pas imposer fiscalement les plus riches sans tenir compte des menaces environnementales. Parmi ces grands donateurs, il y aurait surtout l’industrie des énergies fossiles. En avril dernier, Donald Trump a convoqué ses représentants dans sa résidence de Floride et leur a demandé un milliard de dollars pour financer sa campagne “parce que s’il est élu il pourra annuler les règlementations environnementales imposées par Joe Biden”. Il évoque non seulement les forages pétroliers mais aussi la limitation des pollutions automobiles.

La bataille présidentielle américaine repose finalement sur les mêmes fractures qu’en Europe. Des leaders populistes d’extrême droite agitent l’épouvantail de l’immigration pour faire passer des stratégies très destructrices de l’environnement afin de protéger les modes de production actuels au mépris des risques qu’ils font courir aux populations. La divergence d’intérêts entre les marchés financiers, les dirigeants de certaines des plus grandes capitalisations boursières et la population, qui aspire à des modèles plus durables et respectueux des droits humains et de l’environnement, est de plus en plus apparente. Cela influencera-t-il le choix des électeurs dimanche prochain en Europe ou en novembre aux Etats-Unis ? De l’autre côté de l’Atlantique, les condamnations de Donald Trump ont, semble-t-il, marqué un point de rupture pour ceux qui font primer la démocratie sur le fanatisme “MAGA” (Make America Great Again).

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