Publié le 2 juin 2024

Des scientifiques appellent à faire du slogan “Pas de nouveaux projets fossiles” la nouvelle norme mondiale. La crédibilité climatique des gouvernements et industriels pourrait ainsi être évaluée à l’aune de cette injonction claire et immédiate.

“Pas de nouveaux projets fossiles”. Si le slogan est repris en boucle par les militants environnementaux, cette fois ce sont des scientifiques de l’University College London (UCL) et de l’Institut international du développement durable (IISD) qui défendent le fait de ne plus lancer de nouveaux projets d’énergies fossiles, dans une étude publiée jeudi 30 mai dans la très sérieuse revue Science. Ils estiment que ce slogan doit devenir la nouvelle norme mondiale.

D’après leurs calculs, basés sur les scénarios 1,5°C du Giec, le monde n’a pas besoin de développer de nouveaux projets d’énergies fossiles. Ceux qui existent actuellement sont suffisants pour répondre à nos futurs besoins énergétiques si les pays du monde entier tiennent les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris puis à la COP28. Les chercheurs appellent dès lors les gouvernements à ne plus accorder de nouvelles licences pour le pétrole, le gaz et le charbon et à entamer un déclin progressif des énergies fossiles en investissant en parallèle dans les énergies renouvelables.

“Une demande politique claire et immédiate”

“‘Pas de nouveaux projets fossiles’ devrait être la norme en matière de politique climatique. Il s’agit d’une demande politique claire et immédiate contre laquelle tous les gouvernements et l’industrie des combustibles fossiles peuvent être tenus responsables”, a commenté sur Linkedin Olivier Bois von Kursk, l’un des co-auteurs du rapport. En outre cela paraît plus efficace et moins coûteux que “de clôturer prématurément les projets déjà opérationnels”, ajoute également l’ISSD. Le message est aussi plus simple à reprendre que les engagements à la neutralité carbone ou au zéro émission nette.

Ces travaux se placent dans la continuité de ceux de l’Agence internationale de l’énergie. En 2021, l’AIE avait ainsi estimé que l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 et la limitation du réchauffement à 1,5°C imposait la fin immédiate de tous les nouveaux projets d’exploration d’énergies fossiles (scénario NZE, net zero emissions). “Au-delà des projets déjà engagés en 2021, notre trajectoire NZE ne prévoit aucun nouveau site pétrolier ou gazier”, expliquaient les experts de l’AIE. “La baisse rapide de la demande de pétrole et de gaz naturel signifie qu’il n’y a pas d’exploration requise et qu’aucun champ gazier et pétrolier nouveau n’est nécessaire au-delà de ceux déjà approuvés”.

Mais en face, l’industrie des fossiles joue la carte du réalisme : le monde n’a jamais autant consommé de gaz et de pétrole. Auditionné dans le cadre de la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies, Patrick Pouyanné, le PDG de la major, a ainsi fustigé le scénario NZE de l’AIE. “Je veux bien que tout le monde s’y raccroche, et que maintenant on ait un nouveau pape (Fatih Birol, le patron de l’AIE, ndr), une nouvelle bible, mais ce scénario n’est pas la réalité que nous vivons parce que la demande de pétrole continue d’augmenter, pas chez nous dans les pays occidentaux, mais dans les pays émergents”. Une posture qui est toutefois de plus en plus difficile à tenir, y compris face aux actionnaires.

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