Publié le 24 mai 2024

La contestation a eu lieu à l’extérieur mais aussi au sein de l’AG de TotalEnergies, qui avait pris de nombreuses précautions pour éviter toute échauffourée. Un quart des actionnaires ont choisi de voter contre le renouvellement du mandat d’administrateur de Patrick Pouyanné. La rémunération du PDG et la stratégie climatique du groupe n’ont pas non plus obtenu de plébiscite.

La menace semble avoir été mise à exécution. Lors de l’assemblée générale de TotalEnergies, 24% des actionnaires ont voté contre le renouvellement du mandat d’administrateur de Patrick Pouyanné, le PDG de la major. “C’est un signal fort envoyé par les actionnaires sur la nécessité d’arrêter sa stratégie d’expansion fossile incompatible avec la science climatique“, a réagi Agathe Masson, chargée de campagne à Reclaim Finance. En amont de l’AG, une quinzaine d’actionnaires avaient prévenu qu’ils voteraient contre après avoir vu leur propre résolution rejetée par le groupe. Fin avril, TotalEnergies avait en effet refusé d’inscrire à l’ordre du jour une résolution qui proposait la séparation des fonctions de président et directeur général afin d’améliorer le dialogue sur le climat. Une décision que la coalition d’actionnaires, menée par la fondation suisse Ethos, avait décidé de porter devant le tribunal de commerce de Nanterre. En vain, puisque les actionnaires ont finalement été déboutés.

Les marques de défiance envers Patrick Pouyanné ne s’arrêtent pas là. Concernant sa rémunération, les votes ont flirté avec les 92%, loin du plébiscite généralement attribué à la direction qui tourne autour des 99%. Enfin le Say on climate de TotalEnergies, sa stratégie climatique, n’a rassemblé que 79,72% des voix, en recul de presque 10 points par rapport à l’année dernière. En introduction de la réunion des actionnaires, Patrick Pouyanné avait rappelé qu’il était “nécessaire de mettre en production de nouveaux champs d’hydrocarbures afin de lutter contre le déclin naturel des champs existants et répondre à la demande mondiale“. Il a ajouté que les profits ainsi générés serviront à financer la transition énergétique dans les énergies décarbonées. Le PDG de TotalEnergies a en outre précisé que les nouveaux projets devront émettre moins de gaz à effet de serre que la moyenne du portefeuille de la major. Mais cette stratégie semble de moins en moins convaincre les actionnaires.

Le siège d’Amundi ciblé

Et les militants qui redoublent d’imagination pour protester contre le groupe. A La Défense, où TotalEnergies a choisi de tenir son AG afin d’éviter les échauffourées, les renforts policiers – plus de 200 selon Patrick Pouyanné – étaient nombreux et des grilles avaient été installées à l’entrée de la Tour Coupole. Vers 9h, des militants de Greenpeace ont toutefois réussi à grimper sur le CNIT, le centre commercial du quartier d’affaires, pour y accrocher une banderole géante avec le portait de Patrick Pouyanné, sous le slogan “Wanted”. “La société civile recherche le dirigeant de l’entreprise française la plus polluante qui se fait des milliards au détriment de la planète et de la population”, y est-il également inscrit.

Mais en prévision de cet important dispositif de sécurité, les militants se sont reportés sur une autre cible : le siège d’Amundi, l’un des principaux actionnaires de TotalEnergies, qui tenait également son AG ce matin, boulevard Pasteur dans le 15e arrondissement de Paris. Des centaines de manifestants, un millier selon les organisateurs, sont venus de toute la France pour demander à la filiale du Crédit Agricole de réduire ses investissements dans les énergies fossiles et notamment dans TotalEnergies.

Plusieurs dizaines de personnes sont entrées de force dans les locaux, avant d’en ressortir. Des dégradations ont été commises et des agents de sécurité blessés, a indiqué une source policière. TotalEnergies a affirmé “respecter pleinement le droit de manifester et la liberté d’expression, déplorant toute forme de violence, qu’elle soit verbale, physique ou matérielle”.

De nombreux militants ont également été arrêtés et des images de Le Média montrent un policier qui frappe au visage d’un coup de poing un manifestant qui participait à la mobilisation devant Amundi. Sur place, des activistes se plaignaient en fin d’après-midi d’être encerclés par les forces de l’ordre depuis plusieurs heures, sans information.

“Faillite écologique”

TotalEnergies est de plus en plus sous le feu des critiques. Dans une tribune publiée jeudi 23 mai par plus de 300 scientifiques, mobilisés par le collectif Scientifiques en rébellion, la stratégie “climaticide” du groupe est dénoncée. Les scientifiques proposent d’introduire dans la loi la notion de “faillite écologique, qui permettrait à la puissance publique d’envisager un redressement judiciaire d’une entreprise dont les impacts environnementaux vont à l’encontre des accords internationaux eu égard à sa stratégie climatique”. “Ne nous y trompons pas, TotalEnergies est aujourd’hui en situation de faillite écologique envers ses créanciers carbone : les générations présentes et futures”, écrivent-ils.

Un peu plus tôt dans la semaine, trois ONG – Bloom, Alliance Santé Planétaire et Nuestro Futuro – et huit personnes issues du monde entier ont déposé une plainte au pénal visant le conseil d’administration et les actionnaires de TotalEnergies pour leur contribution au “chaos” climatique. Outre la major, BlackRock, premier actionnaire de Total ou encore la banque centrale de Norvège, Norges Bank sont concernés.

Les dirigeants et les actionnaires de TotalEnergies sont parfaitement conscients que le changement climatique tue, pourtant ils ont fait le choix cynique d’accroître la production de pétrole et de gaz pour une seule raison : maximiser les profits”, écrivent les plaignants dans un communiqué de presse. Cette procédure vient d’ajouter à une dizaine d’actions judiciaires, au pénal ou au civil, qui visent la major sur des sujets climatiques, environnementaux et sociaux. Cela va des accusations d’“homicide involontaire” et “non-assistance à personne en danger” à celles de “greenwashing” ou de pollution, en passant par les atteintes aux droits humains.

Mise à jour à 17h30

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