L’heure de vérité approche pour les salariés d’Atos. La procédure en cours sur la restructuration financière du groupe, menée par l’administratrice judiciaire Hélène Bourbouloux, devrait s’achever ce vendredi 31 mai, pour trouver un accord final d’ici le mois de juillet. Trois offres financières ont été retenues, celles formulées par la société de Daniel Kretinsky EP Equity investment, par le consortium entre la société de David Layani Onepoint et Butler Industries, et par le groupe de créanciers. L’Etat s’est ajouté à la liste en marquant son intérêt pour les actifs jugés stratégiques du groupe, tels que les supercalculateurs, les activités de cybersécurité ou encore les systèmes de contrôle commande des centrales nucléaires.
La réduction de la dette semble être en bonne voie, David Layani étant parvenu à un accord avec un grande partie des créanciers obligataires et des banques, selon Les Echos, son concurrent Daniel Kretinsky poursuivant les négociations. Mais dans ces négociations financières, les salariés sont les grands oubliés. “On craint un démantèlement complet“, s’alarme Alia Iassamen, coordinatrice pour la CDFT d’Atos. Quelques jours avant la date butoir pour la décision de sauvetage du groupe, son syndicat a interpelé les investisseurs candidats à la reprise ainsi que le gouvernement, au moment où “le groupe arrive à un tournant de son histoire“. L’organisation propose cinq critères pour évaluer les propositions des investisseurs : la protection de l’emploi, la préservation du périmètre du groupe, la formulation d’un projet industriel, la question de la dette et la mise en place d’une gouvernance impliquant les salariés du groupe.
“Sauver Atos”
Les syndicats d’Atos, interrogés par Novethic, militent, depuis le début des difficultés de l’entreprise, pour éviter la vente par appartements. “Notre souci, c’est de sauver Atos car tout a été construit pour proposer une offre de bout en bout aux clients. Tout découper n’est pas aussi simple“, explique Emmanuel Kilgus, coordinateur CGT chez Atos. Les annonces de l’Etat pour sécuriser une partie des activités souveraines sont insuffisantes pour le syndicat qui souhaitait que l’Etat s’engage au capital d’Atos pour assurer la pérennité du groupe. “Nous craignons la casse sociale, et cela personne n’en parle“, déplore le syndicaliste.
En interne, les communications de la direction se veulent rassurantes, mais l’incertitude sur le futur profil du groupe inquiète. Le prochain repreneur voudra-t-il conserver toutes les activités ? Quels sont les risques pour les fonctions transverses et les fonctions supports ? Pour le moment, aucun des candidats à la reprise n’a formulé d’engagement ferme sur l’emploi, malgré les demandes des organisations syndicales.
Coup de rabot sur les parts variables
Et l’inquiétude monte. D’autant que les conditions de travail commencent à se dégrader. Les négociations annuelles obligatoires sur les salaires ont ainsi très mal commencé, fin avril. La direction du groupe a annoncé, sans trop de surprises, que les augmentations seraient moins élevées qu’en 2023, selon la CFE-CGC. Pire, Atos a décidé de donner un coup de rabot sur la part variable des rémunérations pour ceux qui y sont soumis. Selon le syndicat, le management de l’entreprise a justifié sa décision par le fait que “de nombreux objectifs internes n’ont pas été atteints“, ce qui a entraîné une réduction de 25% du plan de rémunération variable.
“Quand on commence à toucher aux salaires, les organisations syndicales ont le poil qui se hérisse. Cela ne peut pas être une variable d’ajustement !“, s’emporte Karine Dran, coordinatrice de la CFE-CGC. Près de 15% des effectifs français sont concernés par la mesure, et les salariés font connaître leur colère auprès des syndicats. “Nous n’avons jamais reçu autant de mails de mécontentement, avec des salariés qui demandent d’aller en justice“, remarque Alia Iassamen.
Jusqu’à maintenant, les effectifs du groupe tiennent néanmoins, sans hémorragie du personnel, outre la rotation habituelle dans les entreprises de services numériques. “Ce qui caractérise Atos, c’est la résilience des salariés“, veut croire Karine Dran. Mais le feuilleton de ces deux dernières années, dont l’épisode final va se jouer à partir du 31 mai risque de laisser des traces. “Toute l’énergie, en temps et en finance, utilisée pour se réorganiser vient plomber notre capacité à rebondir“, estime la syndicaliste.