Publié le 16 mai 2024

Et si l’idée d’un protectionnisme vert en Europe s’imposait avec le Buy European Act ? Les têtes de listes pour les élections européennes s’emparent du sujet. Une telle mesure pourrait avoir des bénéfices significatifs pour l’emploi, la réindustrialisation, et l’environnement, selon plusieurs études.

Branle-bas de combat en Europe face à la concurrence chinoise et américaine. Ces derniers mois, les idées fusent pour trouver comment protéger les industries européennes, largement affaiblies par la compétition mondiale et le contexte inflationniste, notamment dans les secteurs clés de la transition énergétique. Face à cette crise, le tabou des mesures protectionnistes est lentement en train de tomber en Europe. Après le Net Zero Industry Act, déjà en discussion dans les institutions, c’est l’idée d’un Buy European Act (Loi Acheter Européen) qui commence à s’imposer dans le débat à quelques semaines des élections européennes.

Le concept ? Organiser un protectionnisme vert sur les marchés publics européens, en créant des critères de contenu local et d’impact environnemental pour la commande publique. Une mesure plutôt antinomique avec l’ADN traditionnellement libéral des institutions européennes, mais qui est aujourd’hui soutenue par de plus en plus d’acteurs économiques et politiques sur le continent.

Buy European Act, protectionnisme vert, préférence européenne…

C’est le cas notamment du Medef, qui la mettait en avant en avril dernier dans ses préconisations pour le marché européen, en proposant de créer des “critères environnementaux et sociaux pour soutenir les entreprises européennes” notamment à travers le label “fabriqué en Europe”. Valérie Hayer, tête de liste Renaissance aux européennes, a repris la mesure, et annoncé lors de son grand oral devant la CPME sa volonté de créer un “bouclier commercial européen sur les marchés publics”. Chez les Républicains et à l’extrême droite, François-Xavier Bellamy et Jordan Bardella reprennent eux-aussi, sans le côté vert, le thème de la “préférence européenne”.

L’ensemble du spectre politique semble en tout cas glisser vers la thématique du protectionnisme européen, qui est historiquement un cheval de bataille des Verts et de la gauche. En 2019, le mouvement Place Publique de Raphaël Glucksmann, tête de liste socialiste aux élections européennes proposait déjà le Buy European Act, et le candidat persiste : “je veux un protectionnisme écologique aux frontières de l’Union européenne” déclare-t-il ainsi sur Public Sénat. La France insoumise, elle, met en avant un “protectionnisme solidaire”. Marie Toussaint, tête liste écologiste, défend depuis longtemps un protectionnisme écologique, et confirme à Novethic sa satisfaction de voir la thématique du protectionnisme vert européen s’implanter dans le débat : “Il était temps… On a vraiment besoin de cette souveraineté écologique, de produire en Europe ce dont nous avons besoin en Europe, en garantissant aux entreprises européennes qui produisent bien une protection.”

Soutenir les filières européennes durables

Le protectionnisme vert européen, s’il est bien calibré, pourrait en effet avoir des bénéfices importants, tant sur le plan écologique qu’économique. C’est ce que montre une étude récemment publiée par le cabinet spécialisé Carbone4. S’il avait été mis en place en 2019, un tel “Buy European Sustainable Act” aurait ainsi permis “une baisse de 34 MtCO2e de l’empreinte carbone annuelle de l’UE […] soit 9 % de l’empreinte carbone de la commande publique de l’UE.” Comment ? En relocalisant les productions, dans les pays européens qui bénéficient souvent de normes environnementales plus élevées. Une telle réglementation permettrait aussi d’investir près de 86 milliards d’euros supplémentaires dans le développement d’activités plus durables en Europe, créant au passage près de 384 000 emplois, dont près de 30 000 relocalisés.

La mesure prend tout son sens alors que les industries européennes, notamment dans les secteurs clé de la transition énergétique, sont en pleine crise. La filière photovoltaïque, par exemple, est en souffrance écartelée entre une industrie chinoise boostée aux subventions, et l’Inflation Reduction Act des Etats-Unis, qui favorisent leurs producteurs. Même chose pour les producteurs de véhicules électriques, de batteries, et pour l’industrie européenne dans son ensemble. Introduire des mesures favorisant les producteurs européens dans la commande publique pourrait permettre de soutenir certaines filières fragilisées et d’accélérer la réindustrialisation du continent. Quoi qu’il en soit, le Buy European Act est en train de devenir un thème de campagne pour les élections du 9 juin. Et il pourrait bien grimper rapidement dans l’agenda politique du prochain Parlement européen, dans quelques mois.

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